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30 novembre 2007 5 30 /11 /novembre /2007 10:43
Jésus facultatif

Dans l’affaire Jean-Louis Bruguès, rien ne bouge depuis trois ans, sauf le personnage lui-même, dont l’irrésistible carrière va de promotion en promotion, comme si de rien n‘était.

Es qualités de président de la Commission doctrinale de l‘épiscopat, Mgr Bruguès est l’auteur non seulement d’une remise en « questionnement » de la virginité perpétuelle de Marie, dont nous reparlerons plus tard, mais aussi d’une singulière façon de manipuler l’acte de foi en Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme.

Pour Mgr Bruguès, reconnaître ou non le Messie en Jésus, mort et ressuscité, est sujet à des « interprétations » diverses et notamment à deux « lectures » :

« La lecture chrétienne ne conteste pas la lecture juive, chacune ayant son propre registre d’interprétation. Que l’une ait raison n’entraîne pas que l’autre ait tort. »

En somme, pour Mgr Bruguès, croire que Jésus, mort et ressuscité, est vrai Dieu et vrai homme, est facultatif. Le oui n’entraîne pas que le non ait « tort ». L’un et l’autre ont raison simultanément. C’est possible si, comme Mgr Bruguès, on renonce explicitement à un « idéal d’objectivité historique illusoire » (texte cité dans La trahison des commissaires, 2e édition complétée). On peut considérer alors la divinité de Jésus-Christ comme une sorte de mythe, utile ou merveilleux, mais n’ayant aucun titre à donner « tort » à sa négation.

La provocante position doctrinale de Mgr Bruguès n’est pas absolument isolée dans l’Eglise. On voit s’exprimer çà et là des tendances plus ou moins analogues ou ressemblantes. Par exemple j’ai lu, sous la plume du cardinal Lacroix, un développement approximativement parallèle (sinon dans son récit, du moins dans sa conclusion) :

« … J’ai appris à goûter l’Ancien Testament et à me familiariser avec lui ; j’ai de mieux en mieux compris que le Nouveau Testament n’est pas un autre livre d’une autre religion qui, pour une raison quelconque, se serait approprié les Saintes Ecritures des Juifs comme une sorte de préfiguration. Le Nouveau Testament n’est autre que l’interprétation de “la Loi, des Prophètes et des Ecritures” tirée de l’histoire de Jésus, donc contenue en elle, sources qui, au temps de Jésus, ne constituaient pas encore un canon définitif mais restaient ouvertes : par elles-mêmes elles témoignaient ainsi de Jésus auprès de ses disciples, comme les textes saints qui manifestaient son mystère. J’en suis venu à penser que le judaïsme (qui ne commence, stricto sensu, qu‘à la fin de la constitution d’un Canon des Ecritures, soit au Ier siècle après Jésus-Christ) et la foi chrétienne exposée dans le Nouveau Testament sont deux modes différents d’appropriation des textes sacrés d’Israël, tous deux ultimement déterminés par la façon d’appréhender le personnage de Jésus de Nazareth. L’Ecriture que nous nommons aujourd’hui Ancien Testament est en soi ouverte sur deux voies. Et nous n’avons en réalité commencé à comprendre qu’après la Seconde Guerre mondiale que l’interprétation juive “après Jésus-Christ” possède elle aussi son propre message théologique. »

Toutefois la différence est que le cardinal Lacroix, ce faisant, n’accomplissait pas un acte magistériel, il racontait sa vie, et sa manière de penser à un certain moment de cette vie. Un cardinal n’a pas forcément une abondance de grâces d‘état pour rédiger son autobiographie. Mgr Bruguès, lui, accomplissait bien une sorte d’acte magistériel. Président de la Commission doctrinale et parlant en son nom, il engageait la responsabilité de la Conférence épiscopale, ainsi que l’ont décidé les évêques français. Or, depuis un tel scandale doctrinal, non rétracté par la hiérarchie, la carrière de Mgr Bruguès progresse au rythme d’une promotion par an, il est maintenant secrétaire (c’est-à-dire numéro 2) de la Congrégation romaine pour l‘éducation (cf. Présent du 29 juin et du 14 novembre). C’est sur cette anomalie persistante que nous avons désormais à réfléchir.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 6475 de Présent, du Vendredi 30 novembre 2007
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