Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
8 octobre 2008 3 08 /10 /octobre /2008 11:59
La pub limitée à 5 % 

On commence à lire dans la presse démocratique d’amères vérités générales sur le journalisme et les journalistes en France, allant même jusqu‘à observer comment l’Etat républicain « exerce pour certains titres un véritable droit de vie ou de mort ». Les révélations de ce genre sont l’un des effets de ces « Etats généraux de la presse écrite » institués par le président Sarkozy et actuellement au travail pour plusieurs semaines (Présent du 4 octobre).

Une proposition très concrète, et même chiffrée. Sans doute nous ne manquons pas d’avoir nous aussi des idées générales sur la maladie de la presse écrite. Mais voici notre revendication pratique au sujet de ce que l’Etat peut faire pour commencer un traitement de la maladie : une disposition législative limitant à 5% des recettes la publicité dans la presse.

Les circonstances politiques y sont favorables : le président Sarkozy s’est révélé très hostile aux excès de la publicité commerciale. Il a entrepris d’en libérer progressivement la télévision d’Etat, c’est-à-dire l’ensemble des chaînes de France-Télévision. Or l’hypertrophie publicitaire est l’une des causes, la plus profonde et la plus décisive, de la maladie de la presse, comme cela ressort de l’Enquête sur la maladie de la presse écrite que viennent de publier les Editions Via Romana.

Grâce au volume exagéré de la publicité commerciale qu’elle accepte, la presse écrite vit dans l’anomalie dangereuse d‘être le seul produit au monde vendu moins cher que son prix de revient. La publicité y est telle qu’elle peut, quand elle le veut, distribuer des quotidiens entièrement gratuits. C’est un sortilège pervers, qui a développé toutes sortes de pathologies et de servitudes : et principalement une dépendance globale, imposant ses normes financières au contenu des journaux (qui pour cette raison en viennent de plus en plus à tous se ressembler).

Pourquoi 5% ? Parce qu’un journal peut résister à la domination des normes et exigences publicitaires en réduisant, s’il le faut, ses dépenses de 5%. Il ne le peut plus quand la publicité représente 30, 50, 80 (ou 100) pour cent de ses recettes et qu’ainsi elle lui est devenue vitalement indispensable. Bien sûr, une réduction à 5% des recettes ne peut être rendue obligatoire du jour au lendemain. La loi devrait imposer des étapes progressives, sur cinq, dix ou quinze ans, le temps que se mettent en place les transformations profondes qu’elle entraînera : la diminution du nombre de pages (qui s’est démesurément augmenté uniquement pour publier davantage de publicité) et un frein à cette surinformation illimitée qui détraque les esprits davantage qu’elle ne les instruit.

On ne peut ni ne désire supprimer totalement « la pub ». Elle a son utilité : elle fait connaître l’existence de produits et de services qui sans elle seraient mal connus ou ignorés. Mais il ne suffit pas d’avoir réglementé et de contrôler son honnêteté commerciale. Elle est malsaine par son hypertrophie, obsédante dans la vie comme dans la presse. Il appartient à l’Etat de lui imposer, comme aux journaux, une cure d’amaigrissement. Elle est l’une des féodalités financières dont l’excès de puissance est contraire au bien commun de la nation française. L’abaisser à un rang plus modeste serait une tâche politique parfaitement capétienne.

Tous les problèmes n’en seraient pas résolus. Mais cette simple mesure législative, à elle seule, entraînerait une lente et irrésistible transformation du journalisme, de la publicité, de la société elle-même. Il y a des réformes dont les conséquences se font sentir quels que soient le contexte historique, le régime politique, le mouvement des idées. L’introduction de la publicité dans la presse par Emile de Girardin date d’un siècle trois quarts, et pendant un siècle trois quarts elle a poussé de plus en plus fort et de plus en plus loin ses conséquences. La décision contraire de limiter la publicité à 5% des recettes d’un journal aurait de fortes chances d‘être aussi puissante, et aussi longuement.

JEAN MADIRAN  

Partager cet article
Repost0

commentaires