… et il « refuse » !
Une seconde rencontre a eu lieu lundi entre la FSSPX et la congrégation romaine pour la doctrine. Elle s’est tenue à huis clos. Néanmoins La Croix s’est empressée dès mercredi de faire deux grandes pages de diatribes injurieuses contre « les intégristes » : l’injure insupportable commence, on le sait, avec ce sobriquet infamant et ravageur que La Croix répète et répète avec une insistance inlassable.
Mis à part ce refrain moralement meurtrier, le sommet insidieux de cette rageuse dégoulinade est la déclaration d’un prêtre qui dit notamment ceci, attention, lisez bien :
« J’ai accepté de célébrer la messe selon le rite extraordinaire (préconciliaire), une fois par mois. Je suis le seul dans le diocèse de Versailles. Les fidèles traditionalistes ont saisi la main que je leur tendais. Ils sont très heureux de se sentir reconnus dans la paroisse. Cependant j’ai refusé de célébrer toutes les semaines car cela ferait une fracture trop grande dans la vie paroissiale. »
Je ne veux aucun mal à ce malheureux prêtre, il est peut-être trompé voire contraint par quelque impérieuse commission diocésaine. Je ne donnerai donc pas son nom. Par discrétion, nous l’appellerons ici l’abbé Sainte-Nitouche.
Que veut-il dire exactement quand il se prétend « le seul dans le diocèse de Versailles » ? Le seul prêtre dans le diocèse à célébrer la messe traditionnelle ? Ce serait une affirmation délirante. Il ne précise pas ce qu’il entend par là. Peut-être le seul à célébrer une fois par mois seulement, ce qui est en soi d’une méchanceté extraordinaire. Mais peut-être cet abbé Sainte-Nitouche a-t-il l’excuse personnelle de croire, comme beaucoup de ses confrères, qu’un « catholique pratiquant » est celui qui assiste à la messe une fois par mois. Alors il ne s’en est pas rendu compte : mais sa main tendue est à la fois un piège et une persécution.
On lui a demandé la messe traditionnelle. Il a refusé, il le dit effrontément. Il n’en avait pas le droit. La procédure en l’occurrence a été fixée par le motu proprio du 07.07.07. Les demandes doivent être adressées au curé de la paroisse : celui-ci n’a aucunement le droit de les refuser. Il a le devoir de les accueillir et la charge d’organiser les conditions matérielles et les horaires : ce qui ne l’autorise nullement à en couper en quatre la célébration dominicale.
Ce pauvre abbé Sainte-Nitouche semble parfois un peu moins sainte nitouche que mon interprétation bienveillante s’efforce de le croire. Le prétexte qu’il invoque pour « refuser » est un terrible aveu. Il craint que la « fracture » soit trop grande. Cela veut donc inévitablement dire que sa messe en français, il la célèbre dans un esprit de « fracture » : de fracture avec ce qu’il appelle la messe « préconciliaire ». Ce préconciliaire est d’ailleurs une tromperie supplémentaire : la messe tridentine fut en effet la seule célébrée dans l’Eglise latine durant toute la durée du Concile et encore quatre années après sa clôture !
Que La Croix ait osé publier telle quelle la déclaration de l’abbé Sainte-Nitouche donnerait à penser qu’il y a quelque chose qui ne va vraiment pas, concernant la messe, dans le diocèse de Versailles. Justement l’association Paix liturgique (cf. sa Lettre de Paix liturgique, 1 allée du Bois Gougenot, 78290 Croissy-sur-Seine) a réalisé dans ce diocèse, du 30 novembre au 8 décembre 2009, un sondage dont il ressort qu’un tiers au moins des « messalisants » assisteraient tous les dimanches à la messe traditionnelle si elle était normalement célébrée dans leur paroisse, ce qui manifeste un louable et nécessaire attachement à la vie paroissiale ayant heureusement survécu aux brimades et humiliations qu’il leur faut y endurer.
Nous ne voulons rien retrancher au respect dû à chaque prêtre en raison de son ordination. Mais nous ne sommes pas tenus non plus à une aveugle servitude. Tout un clergé français, depuis quarante ans, a fait subir au peuple chrétien l’oppression d’une injuste interdiction de la messe traditionnelle. Benoît XVI nous a libérés de cette odieuse servitude en attestant que cette messe n’avait jamais été valablement interdite. L’abus de pouvoir a été énorme et cruel. La plus grande partie de nos prêtres et de leur hiérarchie en ont été eux-mêmes victimes ou bien complices. Victimes, ils auraient pu nous exprimer leurs regrets. Complices, ils auraient dû nous présenter leurs excuses. Ils ne l’ont pas fait. Nous pouvons comprendre leur embarras, leur déception, leur humiliation profonde. Nous ne demandons qu’à leur pardonner. Mais qu’ils veuillent continuer à nous opprimer, et par la même tromperie, alors non ! Halte-là !
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7015 de Présent du Vendredi 22 janvier 2010