Dans LE PROGRES de Lyon, le très médiatique Père Patrice Gourrier, dont j'ai relayé dernièrement l'initiative sur le net, est interrogé sur l'Eglise, le pape et le célibat des prêtres. Voici ce que cela donne :
En tant que prêtre, comment vivez-vous les scandales qui éclatent autour de l'Eglise ?
Très mal. Je suis brisé trois fois, sans langue de buis. Je suis brisé par la honte de penser que des confrères prêtres aient abusé d'enfants dont ils avaient la responsabilité. Je suis brisé par la tristesse pour les victimes dont la jeunesse a été gâchée. Je suis brisé en tant que prêtre car la réalité d'un prêtre, c'est de se démener pour les autres.
Comment expliquez-vous cette cascade de scandales ?
A un moment, le silence devient intenable. L'institution Eglise y est confrontée et ce ne sera pas la seule. Ces derniers jours, ont été arrêtés un prof de gym et un général de l'armée. La pédophilie ne frappe pas que l'église ni les célibataires. C'est souvent un phénomène familial, une perversion dont on ne guérit pas.
On parle beaucoup du célibat des prêtres. Cela a-t-il été un frein à votre vocation ?
Je suis devenu prêtre à 40 ans. Avant, je n'ai pas été un ange. J'ai eu une vie comme tout homme bien portant entre 20 et 40 ans. J'ai malgré tout vécu le célibat comme une amputation. Non seulement pour l'aspect sexuel, mais aussi pour l'aspect affectif. Jamais on ne peut serrer quelqu'un dans ses bras ou être pris dans les bras de quelqu'un, à part ses parents ou ses frères et sœurs. C'est très difficile à vivre même si à 40 ans je l'ai surmonté plus facilement. Beaucoup de jeunes le vivent mal. Or, c'est une pure question disciplinaire : jusqu'au 13e siècle cohabitaient des prêtres célibataires et des hommes mariés ordonnés prêtres. Aujourd'hui, dans l'église catholique romaine, il y a plusieurs milliers de prêtres mariés avec les Anglicans et les protestants.
L'église devra-t-elle revenir un jour sur cette discipline ?
Il le faudra. Le fossé entre l'église et les jeunes, et entre l'église et la société serait réduit si certains d'entre nous parlaient plus de l'éducation de leurs enfants.
Vivez-vous le fait de ne pas avoir de descendance comme une « amputation ?
J'ai écrit 14 livres et c'est sans doute un désir de fécondité. C'est ma façon de transmettre.
La cote de popularité de Benoît XVI s'effondre. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
Quand Jean-Paul II est mort, cela a occasionné des phénomènes de foule. C'était un séducteur alors que Benoît XVI n'est pas charismatique. Les jeunes l'adoraient sans forcément connaître son discours. J'aurais aimé que lui succède un Sud-Américain ou un Africain pour ouvrir l'Eglise. J'ai changé d'avis en me rendant compte que Benoît XVI rassurait les catholiques dans un monde où tout change trop vite. J'ai donc accepté Benoît XVI comme pape, même si des erreurs de communication qui se sont succédé : Williamson, le préservatif, etc.
Votre position sur le préservatif ?
La théologie de l'Eglise permet de dire que quand on met la vie de quelqu'un en danger on peut utiliser un préservatif. Le préservatif n'est pas le diable.
Certains prêtres sont en souffrance. Qui s'occupe d'eux ?
J'attends que quelqu'un fasse une enquête sur les prêtres dépressifs ou alcooliques car à mon avis, cela a son pourcentage. C'est un grand tabou dans l'église et entre nous, nous en parlons très peu. On apprend qu'un confrère a quitté sa paroisse et est parti « se reposer » C'est l'expression consacrée.
A force d'entendre le malheur, on finit par être submergé. Personnellement, je médite une heure par jour et je garde deux demi-journées par semaine, pour penser à moi. Sinon je ne tiendrai pas.
Vous êtes prêtre depuis dix ans. Des regrets ?
Aucun. Même si je suis persuadé que cela me dévorera.
Recueilli à Paris par Nathalie Mauret