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15 septembre 2008 1 15 /09 /septembre /2008 13:21
A lire sur le Forum Catholique, le commentaire de Luc Perrin à l'issue de la visite de Benoit XVI en France. En voici ci-dessous le rappel.
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La réaction de Mgr Vingt-Trois l'est à double titre : celle d'archevêque de Paris et celle surtout de président de la CEF. Le cardinal de Paris, jusqu'à présent, s'est toujours prévalu d'appliquer les directives du Saint-Père, il le fait, selon la ligne de son prédécesseur a minima en ce qui concerne la question liturgique et l'accueil des traditionalistes.
Il serait tout de même excessif de dire qu'il ne le fait pas : Mgr Vingt-Trois, jusqu'à présent, ne s'est pas aligné sur la position de Mgr Jordan à Reims ou pire sur celle de l'évêque émérite Mgr Noyer.

Mais il parle aussi, en déposant sa mître parisienne, avec son béret de président de la Conférence épiscopale. Or il a été élu, après 2 ans d'opposition ouverte entre la grande majorité des membres de la CEF à l'intention affichée de "libérer" l'usage du missel de 1962. Son Eminence a été comme un porte-parole, mesuré cependant relisez ses interventions, des opposants au projet de Motu proprio. Il suffit de comparer le cardinal de Bordeaux, Mgr Ricard, et le cardinal de Paris, pour comprendre que la CEF a délibérément élu un opposant plus actif au Motu proprio Summorum Pontificum. Un simple test : en février 2007, Mgr Ricard signait une convention avec l'IBP. Mgr Vingt-Trois s'y refuse toujours en septembre ... 2008 pour le Centre Saint-Paul. Mgr Ricard a 3 lieux de culte confiés à des instituts E.D., Mgr Vingt-Trois aucun.

Le "Ratisbonne dans l'avion" convenait parfaitement à la ligne majoritaire sur cette question qu'incarne M. de Paris : régime de 1984 restrictif, simple tolérance, appel à se fondre peu à peu dans une Forme ordinaire tout juste corrigée, non dans le texte ni dans la langue liturgique, mais par l'ars celebrandi, ce que les Américains appellent "smells and bells" (de l'encens et des sonneries).
Le Message aux évêques de Lourdes (14/9) renverse entièrement cette ligne : il s'agit, dans l'amour, d'être pleinement évêque au service de l'unité, de poser des actes tendant à l'unité - ô horresco referens envers le Satan incarné pour tant de catholiques français la FSSPX - et d'appliquer, sans politique sournoise de containment, dans l'amour une fois encore, Summorum Pontificum.
On comprend mieux l'acide commentaire du président de la CEF, qui expose le sentiment majoritaire d'une opposition constante aux orientations d'abord de Jean-Paul II et maintenant de Benoît XVI sur la question traditionaliste et plus largement sur la liturgie.
Rappel des faits :
- 2001 : le cardinal Eyt se réjouit bruyamment de l'arrêt des conversations avec Mgr Fellay
- 2004 : Mgr Le Gall déclare que l'Instruction Redemptionis sacramentum ne concerne pas la France
- 2006 : 2 communiqués de provinces ecclésiastiques appellent le pape à renoncer à élargir Ecclesia Dei adflicta ; plusieurs évêques individuellement dénoncent, parfois en termes très durs, cette intention du Saint-Père : des évêques qui appartiennent pourtant à des écoles de pensée distinctes ainsi de Mgr Dagens d'un côté, de Mgr Lacrampe de l'autre.

Le commentaire du cardinal Vingt-Trois exprime donc plutôt le sentiment de la majorité des évêques de France, plus radicalement négatif que le sien propre en tant qu'Ordinaire de Paris.
Des observateurs, pas du tout traditionalistes, comme le P. de Charentenay sj et Gérard Leclerc, rappelaient la profonde empreinte du gallicanisme dans l'histoire de l'épiscopat français, ce vilain gallicanisme, hydre aux mille têtes, sans cesse renaissante comme un méchant phénix de ses cendres ; dans les années 1970, H. Urs von Balthasar avait dénoncé le "complexe anti-romain". La tentation de majorer la place des Église particulières par rapport au "centre romain", au Siège apostolique, a été relancée par Vatican II : en effet, c'est cela que visait Mgr Lefebvre dans sa critique de la collégialité, une collégialité dévoyée de son but, plus que la collégialité en elle-même. En 1975, Evangelii Nuntiandi fait justice de cette dérive ecclésiologique et Jean-Paul II n'a eu de cesse que de retisser des liens entre Rome et les différentes Eglises particulières.
Rappelons encore que Sacrosanctum concilium confère des droits majorés aux Eglises nationales en matière de liturgie et que ce fut interprété, par beaucoup de théologiens, comme un signal pour une large autonomie des Églises locales et un abaissement drastique du Siège romain. Tout se tient : une mauvaise lecture des dispositions liturgiques et une mauvaise ecclésiologie. En ce sens, la critique de la FSSPX est partiellement fondée : elle pèche, selon moi, par excès et omission des correctifs apportés mais il y a un peu de feu derrière cette fumée.
C'est bien à cause de cela que la bataille des traductions - mauvaises soutenues longtemps par les Eglises particulières, corrections exigées par Rome - a duré et dure encore. Ce n'est pas un détail. Beaucoup soutenaient que Vatican II avait doté les épiscopats d'une entière souveraineté en matière liturgique et que Rome tentait de la leur reprendre. La Rome de Paul VI avait largement capitulé en rase campagne, en effet, tandis que la Rome de Jean-Paul II s'est efforcé, souvent sans grand succès, de récupérer ses droits. La Rome de Benoît XVI poursuit cette orientation si nécessaire, sans précipitation ni coups de menton : l'ours de saint Corbinien se hâte lentement, mais il marche vers Rome.

Deux observations pour conclure ce trop long exposé ... (mea culpa ...) :
- le cardinal Vingt-Trois exprime aussi un fait incontestable de l'ecclésiologie commune : un évêque, successeur des Apôtres, n'est pas un préfet ou le chef des services de sécurité en Corse, au service du pape, le doigt sur le côté de la soutane. C'est effectivement du devoir des évêques de donner leur sentiment, de faire part de leurs critiques, de transmettre leur éventuels caveat quand ils le jugent nécessaires. Que chacun ici soit conséquent avec lui-elle-même : nous formulons nos critiques - canon 212 -, les évêques ont un droit en la matière supérieur au nôtre. Toujours dans l'histoire de l'Eglise, les évêques se sont exprimés et beaucoup sans aucune "subordination servile". Le Cardinal revendique ici une évidence.
Mais comme en 1953 où une délégation s'était rendue à Rome pour faire fléchir Pie XII, avec un demi-succès d'ailleurs, les évêques appliquent les grandes directives du pape quand celui-ci a rendu son arbitrage. Dans l'affaire des P.O, les évêques avaient appliqué avec souplesse parfois les directives de Pie XII. Quand la souplesse va jusqu'à la négation, là bien sûr on sort de la "communion" que rappelle le Cardinal de Paris. En Allemagne, un évêque qui rejetait les directives du pape sur les questions éthiques a fini, après des années de rébellion, par démissionner. [M. Deneken a écrit un article où l'opposition des évêques allemands à Jean-Paul II, à commencer par leur ex-président le cardinal Lehmann, est exposée en détail, spécialement sur les choix éthiques : les évêques ont fini par obéir au pape]. Dans les cas les plus graves, le pape translate l'évêque voire le prive de tout siège, même in partibus, comme sous Pie X ou plus récemment le cas Mgr Gaillot. L'excommunication, comme on sait, frappe d'autres cas extrêmes.

- il convient de parcourir tout le Message aux évêques : le texte prend un contrepied net sur la question des prêtres et des paroisses par rapport à la pastorale des zones confiées à des laïcs (cf. le laboratoire poitevin). Le renvoi au saint curé d'Ars n'a pas dû être beaucoup goûté chez les théoriciens d'une désacerdotalisation du "ministère ordonné" et les discrets partisans de "l'ordination" des femmes. La bonne méthode rappelée en matière d'oecuménisme et de dialogue interreligieux n'a pas non plus dû plaire aux tenants d'initiatives qui manquent de prudence et des thèses bien répandues chez nous du nécessaire "pluralisme" de la Vérité et d'une sorte d'égalité de toutes les religions. Qu'on se souvienne qu'il y a peu un évêque français faisait repentance pour l'évangélisation de son diocèse auprès des non-chrétiens et des non-catholiques ...

Les images, comme disait Paul Airiau, sont parlantes. La retransmission par KTO de la rencontre de "collaboration et de communion" entre nos évêques et le Chef du Collège des évêques catholiques était pleine de leçons : les paupières du cardinal-président s'ouvrant net au moment du § sur la liturgie, des visages fermés dans la salle, quelques évêques prenant des notes frénétiquement, d'autres le dos contre le siège comme mettant physiquement une distance accrue avec le Saint-Père (cet évêque était un des rares en "pékin" et cravate), l'âge moyen des auditeurs ...
Il est vrai aussi comme le disait Paul que le "Ratisbonne dans l'avion" exprimait visuellement de la bienveillance, un désir d'atténuer les conflits ... alors que les mots rendaient un tout autre son, dissonant, une fois lus sur une feuille.
Au total, une grande visite papale en France !
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15 septembre 2008 1 15 /09 /septembre /2008 12:39

L’espace de vingt-quatre heures, la vie parisienne a changé de visage. On attendait – il semble que même les évêques attendaient – une mobilisation discrète, un succès d’estime, une attention au mieux curieuse pour ce pape intellectuel que les Français ne connaissaient pas encore. Ce fut un déferlement. Un enthousiasme débordant. La joie sur les visages et la reconnaissance dans les regards : Benoît XVI a parlé au cœur des innombrables jeunes et moins jeunes qui se sont pressés pour ne serait-ce que le voir passer ; il leur, il nous a parlé de la Foi, de l’Esprit, des racines chrétiennes de la France, du vrai sens de la liberté, de l’exacte dimension d’une vraie culture : la recherche de Dieu.

Et il commença très fort, avec cet humour fin et discret qui lui permet de retourner bien des situations, bien des difficultés. Lisez son discours à l’Elysée, où Sarkozy tint à le recevoir en compagnie de tout son gouvernement, tout en donnant des gages énormes, dans son discours, aux « autres religions », aux « traditions philosophiques » (comme si la religion catholique n’en avait pas !), et même, mais peut-être était-ce un lapsus, aux « frères musulmans ». Benoît XVI balaya tout ce relativisme sans en avoir l’air. Montrant que les racines chrétiennes de la France remontent aux tout premiers siècles, et que ce sont elles qui l’ont façonnée, il a donné une vraie réplique au discours présidentiel.

A sarkozy et aux évêques

A la « dignité de l’homme » célébrée par Sarkozy, il répondit « droits de l’homme » ; mais en affirmant ceci : « L’exercice de la présidence de l’Union européenne est l’occasion pour votre pays de témoigner de l’attachement de la France aux droits de l’homme et à leur promotion pour le bien de l’individu et de la société. Lorsque l’Européen verra et expérimentera personnellement que les droits inaliénables de la personne humaine, depuis sa conception jusqu‘à sa mort naturelle, ainsi que ceux relatifs à son éducation libre, à sa vie familiale, à son travail, sans oublier naturellement ses droits religieux, lorsque donc cet Européen saisira que ces droits, qui constituent un tout indissociable, sont promus et respectés, alors il comprendra pleinement la grandeur de la construction de l’Union et en deviendra un artisan actif. »

Respect de la vie, de la liberté de l’enseignement, du travail, de la famille ? Voilà des « droits de l’homme » comme on les connaît peu. Il n’y manquait que la patrie : « A cet égard, il est important de promouvoir une unité qui ne peut pas et ne veut pas être une uniformité, mais qui est capable de garantir le respect des différences nationales et des diverses traditions culturelles qui constituent une richesse dans la symphonie européenne », affirma Benoît XVI qui le dimanche, à Lourdes, allait lancer semblable rappel devant les évêques français rassemblés : « Je suis convaincu (…) que les Nations ne doivent jamais accepter de voir disparaître ce qui fait leur identité propre. Dans une famille, les différents membres ont beau avoir le même père et la même mère, ils ne sont pas des individus indifférenciés, mais bien des personnes avec leur propre singularité. Il en va de même pour les pays, qui doivent veiller à préserver et à développer leur culture propre, sans jamais la laisser absorber par d’autres ou se noyer dans une terne uniformité. »

Ce fut un même vibrant appel à la redécouverte de racines vivifiantes, seules capables de donner et de conserver la vie de l’ensemble, que Benoît XVI lança lors de son grand discours sur la culture, au Collège des Bernardins. Le Logos, la Parole, la grammaire, la musique et le chant des moines tout tendus vers Dieu qui ont ainsi obtenu, crus-je entendre, ce surcroît promis à ceux qui se tournent sans retour vers Celui qui est. Le discours des Bernardins est une réponse au relativisme et à la fausse liberté qui, en refusant tout lien, n’est plus qu’« arbitraire » et tyrannie. Il est aussi une cinglante réplique – mais dite avec combien de douceur et de respect – à ceux qui s’appuient sur la lettre au lieu de chercher l’Esprit avec l’aide de la raison. Benoît XVI venait de rencontrer les représentants de l’islam. Il osa tranquillement dénoncer le « fanatisme fondamentaliste » qui menace ceux qui cherchent la « Parole de Dieu (…) dans la seule littéralité du texte ». Oui, le discours des Bernardins est la suite et le développement du discours de Ratisbonne ; un discours qui indique la complémentarité nécessaire du Ora et labora de saint Benoît comme la source de l’originalité européenne, fruit d’une « culture du travail » couplée avec la « culture de la parole ».

Les doux à Paris

Retransmis sur des écrans géants le long de la Seine, où une foule joyeuse patientait pour voir passer la papamobile, le discours ne fut peut-être pas saisi par tous. Dans l’étroite rue de Poissy que Benoît XVI devait emprunter pour descendre vers Notre-Dame, la situation vira même au cocasse. L’accès en était réservé aux Orphelins apprentis d’Auteuil, artisans de l’estrade où serait célébrée, le lendemain, la messe aux Invalides. Ils voulaient accueillir le passage du Pape avec toute la chaleur dont ils étaient capables. Benoît XVI venait de dire la beauté du chant des moines, de cette Liturgie qui est « une invitation à chanter avec les anges », qui a su trouver une musique digne de Dieu. A côté de moi, un jeune Noir sortit son tam-tam. Les animateurs de toutes ethnies l’entourèrent. Au rythme africain s’ajouta la répétition lancinante de mélodies primitives ; la papamobile s’approcha au son strident des you-yous. Contraste saisissant !

Mais plus tard, au soleil couchant doré de septembre, sur les quais offerts pour un soir aux catholiques, il y eut d’autres scènes, bien plus étonnantes. Des groupes de centaines de personnes restaient au pied des grands écrans pour suivre, recueillis et sereins, le chant des vêpres présidées par le Pape à Notre-Dame. Et ainsi retentirent des psaumes, et le Magnificat, et le Te Deum. Ce vendredi soir, les cloches de Saint-Nicolas-du-Chardonnet tout proche avaient sonné à toute volée pour accueillir le Saint-Père. Et une nouvelle fois (comme l’écrivait Alain Sanders lors des JMJ de 1997), « les doux avaient envahi Paris ».

Vous dirai-je la foule qui se pressait à Saint-François-Xavier, dans le 7e arrondissement, ce soir-là ? Le bâtiment, considérable, se révéla trop exigu pour accueillir ceux qui voulaient veiller « dans la Tradition » en attendant le rendez-vous des Invalides. Ils étaient, dit-on, 2 000. Sans compter les responsables des différentes communautés traditionnelles qui, de Dom Louis-Marie du Barroux au Père Alain de Riaumont, en passant par le supérieur de la Fraternité Saint-Pierre ou les nombreux prêtres de l’Institut du Christ-Roi, vinrent guider les prières. Et les chants : avec un « Parle, commande, règne » qui fit vibrer toute l’église…

Lever de bonne heure pour la messe du samedi matin. Le service de presse mis en place par les évêques de France avait rassuré les journalistes : l’accès à l’Esplanade des Invalides serait libre pour tous, la circulation facilitée pour permettre à ceux qui circuleraient là par hasard d’assister à un bout de cérémonie… En fait, dès 8 heures, tous les accès de la place étaient déjà interdits. Une marée humaine en occupait les moindres recoins : aux 60 000 jeunes qui s’y étaient rassemblés dès la veille après avoir processionné depuis Notre-Dame, s’ajoutaient bien quelque 250 000 personnes de tous âges venues démentir l’idée selon laquelle Benoît XVI, mal connu et peu charismatique, n’allait pas remuer les foules.

Une foule : mais pas au sens psychologique du mot. Une telle qualité de recueillement dans un tel rassemblement, je n’en avais jamais vu. Un tel silence pendant la longue et magnifique homélie du Saint-Père, c’était aussi inattendu qu’impressionnant. Des hommes et des femmes à genoux sur le bitume de la place pendant la consécration : étais-je vraiment dans le carré des élus invités à la cérémonie, où mon badge de journaliste m’avait fait atterrir ? Des jeunes volontaires à genoux pour communier le long des barrières : l’exemple du Saint-Père distribuant le Saint Corps du Christ sur les lèvres aux fidèles agenouillés sur un prie-Dieu avait-il déjà et heureusement déteint ? Ils avaient entendu l’appel du Pape, pendant son homélie, à mieux vénérer le Saint-Sacrement : « Ne négligeons rien pour lui manifester notre respect et notre amour ! Donnons-lui les plus grandes marques d’honneur ! »

Est-ce la jeunesse qui change ? Comme ces jeunes prêtres d’une génération nouvelle, grâce à qui pas moins d’un cinquième des prêtres passés par la sacristie mise en place dans les Invalides portaient soutane.

Et comment dire toute la profondeur des paroles du Pape que la magie d’Internet met aujourd’hui à la portée de chacun. A l’heure d’écrire, en ce petit matin du lundi, ce sont déjà 30 grande pages de texte serré et dense qui s’entassent devant moi, sur tous les sujets brûlants de ce temps. Quel cadeau à la France, Très Saint-Père, quel trésor à relire déjà, pour fortifier la Foi, l’Espérance, et la Charité !

JEANNE SMITS

  Article extrait du n° 6674 de Présent du Mardi 16 septembre 2008

 

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13 septembre 2008 6 13 /09 /septembre /2008 10:22

Au cours de l’interview où il déclare « parler en tant que président de la Conférence des évêques » (c’est donc une déclaration officielle), interrogé sur Benoît XVI et le motu proprio du 07.07.07 « qui n’a pas été digéré en France », le cardinal Vingt-Trois a notamment répondu :

« Le signe le plus explicite sur le sujet va être le fait de concélébrer avec les évêques de France, en communion dans une même liturgie. »

Une concélébration avec le Souverain Pontife n’est pas un problème, ni une nouveauté montinienne : elle est traditionnelle. La nouveauté est d’attendre du Pape qu’il soit en communion avec les évêques.

Normalement, le Pape ne vient pas concélébrer avec les évêques, ce sont les évêques qui vont concélébrer avec le Pape.

L’Eglise nous a élevés et instruits dans un profond respect pour « les évêques en communion avec le Pape ». Nous nous y appliquons volontiers. Mais cela ne peut fonctionner à l’envers. Ce n’est point le Pape qui aurait obligation d‘être en communion avec les évêques. Aucune invention collégialiste artificiellement fagotée ne changera rien à cette réalité surnaturelle.

Nous aimons supposer que, de la part du président de la Conférence épiscopale, il s’agit simplement d’une sorte de lapsus ou d‘étourderie, et non pas d’une exigence ou d’un ultimatum. Toutefois on trouvera étrange que le président Vingt-Trois estime pouvoir fixer d’avance quel sera « le signe le plus explicite » que devrait nous apporter Benoît XVI.

Ne sous-estimons pas cependant les obstacles difficilement surmontables que le cardinal Vingt-Trois rencontre dans l’exercice de sa présidence et qui expliquent l’incertitude, l’embarras, l’approximation de ses propos. Sur les plus graves réalités de la foi, il n’y a pas, dans l‘épiscopat français, l’unité que la Conférence épiscopale voudrait (et devrait) représenter.

Je reviens à l’instant d’un diocèse (je ne le nommerai pas, car il n’est malheureusement pas le seul), – un diocèse où, au nom de l’Eglise catholique et de l‘évêque du lieu explicitement invoqués, on enseigne par voie écrite que les trois « temps forts » de la messe sont : « un enseignement, une méditation personnelle, un partage ». La messe serait donc une opération principalement subjective, centrée sur le culte de l’homme. Autrement dit, il s’agit toujours d’affirmer, sous une forme moins directement provocante, qu‘à la messe « il s’agit seulement de faire mémoire », selon la doctrine du « nouveau missel des dimanches » de l‘épiscopat en 1970 et en 1973. Il semble que l’on ait discrètement retiré cette formule, mais elle n’a jamais été rétractée. Elle correspond d’ailleurs au fameux article 7, première version, de la préface à la messe de Paul VI. Il y eut quelques évêques diocésains qui n‘étaient pas d’accord. Ils ne l’ont jamais dit en public. Et c’est pour cela qu’une grande partie du clergé continue à croire depuis une quarantaine d’années que la messe n’est pas un vrai sacrifice. Nous y reviendrons.

L’unité épiscopale est un faux-semblant quand elle n’est pas fondée sur une communion dans la vérité. La Bible Bayard, où l’on trouve l’affirmation mais aussi la négation de la divinité du Christ et de l’authenticité du témoignage évangélique, a paru avec l’approbation explicite de la Commission doctrinale du Conseil permanent de la Conférence épiscopale. Il s’est trouvé deux évêques français, pas trois, pour mettre en garde le clergé et les fidèles en disant publiquement : « Cette Bible n’est pas celle de l’Eglise, ce n’est pas une Bible chrétienne ! » Elle a néanmoins été diffusée dans l’univers francophone à des centaines de milliers d’exemplaires. L‘épiscopat n’a pas rétracté son approbation. Mais si l’on voit là quelque unité épiscopale, alors c’est dans le mensonge.

« En communion », dit le Président. Ce ne peut tout de même pas être en communion avec cette morale sans obligation ni sanction qu’enseigne l’archevêque de Rennes : « L’Eglise, claironne-t-il cette année, n’interdit rien à personne. » Ce ne peut être en communion avec la Bible Bayard, ni avec la catéchèse sans catéchisme de la plupart des diocèses français, ni avec une « eucharistie » qui ne veut plus être le saint sacrifice de la messe. Il n’y a pas de communion possible avec la coexistence artificielle du oui et du non. Dans cette situation spirituellement crucifiante, nous nous préparons à être attentifs à ce que le Pape vient nous apporter. Sans prétendre lui indiquer nous-même « le signe le plus explicite » que nous espérons de lui. De toute façon, il sera sans doute le plus inattendu.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 6673 de Présent, du Samedi 13 septembre 2008

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12 septembre 2008 5 12 /09 /septembre /2008 14:00

On sait combien Jean Madiran a toujours été, dès Itinéraires bien sûr, mais plus encore avec Présent, quotidien singulièrement atypique dans un monde médiatique à la dérive, attentif aux aléas de la chose imprimée. Une interrogation essentielle pour ceux qui sont attachés à la liberté de la presse mais qui, souvent, passe par-dessus la tête du gros des lecteurs qui n’aiment guère qu’on leur parle « boutique ». En résumé : « Faites un journal et épargnez-nous les détails de l’arrière-cuisine… »

Pour étayer et actualiser sa réflexion, Jean Madiran part d’une interview de Jean-François Kahn en janvier 2008 : « Si nous étions dans une [vraie] économie de marché, il n’y aurait plus de quotidiens. » Et, de fait, il n’en reste guère si on veut bien se souvenir que le Répertoire général de la presse française de 1938 – il y a soixante-dix ans – recensait 25 quotidiens à diffusion nationale. Avec des diffusions de rêve : 2 millions d’exemplaires pour Paris-Soir, 1 600 000 pour Le Petit Parisien, 900 000 pour Le Journal… Quelle peau de chagrin depuis !

Précisons qu’il y eut naguère, à Paris, plusieurs dizaines de quotidiens dits « d’opinion ». Il ne reste plus que Présent, l’Humanité et la Croix (« Et ces deux-là tendent à être aussi, ou du moins à paraître, des journaux d‘“information” parce qu’ils sont eux-mêmes avides d’une publicité qui ne leur vient que parcimonieusement », écrit Jean Madiran).

« Publicité » : tout est dit. Et Jean Madiran consacre au sujet (« La publicité dans la presse ») un chapitre qui rappelle que, dans le jargon publicitaire en usage, les journaux ne sont pas désignés par les annonceurs comme des journaux mais comme des « supports publicitaires ».

Faire comprendre au public pourquoi la presse riche est serve et la presse libre pauvre. Tout est là. Lisez et faites lire ce vade mecum. Et vous en aimerez mieux Présent.

(Extraits de l’article d’Alain Sanders paru dans Présent du 22 août 2008.)

Article extrait du n° 6673 de Présent, du Samedi 13 septembre 2008
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Pour commander les livres de Jean Madiran, on peut s'adresser directement à Via Romana, y compris pour les libraires (remise 30% pour les libraires).

— L'Accord de Metz - 15 €

Les Vingt-cinq ans de Présent - 15 €

Histoire de la messe interdite - 17 €

— La Trahison des commissaires - 15 €

Enquête sur la maladie de la presse écrite - 12 €

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5 septembre 2008 5 05 /09 /septembre /2008 15:35

Plus de détails ici.
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4 septembre 2008 4 04 /09 /septembre /2008 08:28
Télécharger le référendum sur la justice, c'est possible.

En cliquant ici.  (pdf)

L'Institut pour la Justice a été créé le 15 avril 2007 à l'initiative d'un groupe de citoyens soucieux de défendre le droit de tous à bénéficier d'un système judiciaire juste et équitable. Philippe Schmitt, père d'Anne-Lorraine, est le Président du Comité d’Orientation de l’Institut pour la Justice.
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3 septembre 2008 3 03 /09 /septembre /2008 14:26
Tout simplement laids. Avec trois mots frappés comme des slogans : Démocratie - Paix - Environnement.

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1 septembre 2008 1 01 /09 /septembre /2008 22:36

Chers liseurs,

Bon, ben voilà, les vacances sont terminées. Il a bien fallu reprendre le travail ce matin, comme nombre de "pauvres" aoûtiens. Il faut aussi, à mon grand regret, reprendre les choses en main, du côté du forum.

Je lis ci-et-là à ce sujet que la modération (lire : les modérateurs) aurait failli dans le respect des règles du forum. Me permettrez-vous de renvoyer chacun face à ses propres responsabilités ? Parce qu'enfin, si la modération (lire : les modérateurs) se doit d'intervenir, à tel ou tel moment, c'est bien parce que l'un d'entre vous, d'une façon ou d'une autre, a contourné les règles du forum ou bien les a volontairement (ou non) violées. Ceci est déjà un point que je souhaitais soulever et rappeler.

Je lis aussi que la modération (lire : les modérateurs) serait partisane. Comme toujours depuis huit ans (mon Dieu... huit ans, comment ai-je pu tenir ?), comme toujours depuis huit ans, donc, je lis que le FC poursuit des objectifs inavoués car forcément inavouables. Pour les uns, c'est sûr, LE But, c'est l'attaque en règle et systématique de la FSSPX. Pour d'autres, c'est le combat contre les évêques de France et leur clergé servil. J'apprends depuis peu que le FC entend promouvoir la chasse à l'IBP. Avant-hier (c'est une image, je précise, ne fouillez pas dans les fils récents), le FC était l'agent de communication de la FSSP. Le mois dernier, c'était sûr, untel m'écrivait pour fustiger le black-out total opéré contre tout ce qui émanait de l'Institut du Christ Roi.

Tout cela, je l'ai entendu mille fois. Nous en avons parlé ici-même des dizaines et des dizaines de fois, jusqu'à l'agueusie. C'est vraiment navrant.

Les interventions consécutives d'un intervenant cet été sont venues ici jeter de l'huile sur le feu, alors même que rien ne semblait le laisser présager. A lui seul, il a mis le FC à feu et à sang. Et a su, bon an mal an, créer une sale ambiance entre liseurs, sale ambiance qui fait qu'aujourd'hui la seule notion de respect entre intervenants a volé en éclat(s). Quelle misère. Que de dommages.

Ceci fait qu'aujourd'hui le dialogue semble impossible. Untel pose une ligne, unautre lui prête des sous-entendus. Untel invite au calme, telautre lui remémore ses tristes lignes précédentes. Untel publie un lien vers un texte polémique de tel ou tel abbé, il ne supporte pas que l'on puisse en contredire le contenu. Etc. Etc.

Je voudrais quand même vous rappeler que vous êtes ici sur un forum de dis-cus-sion. Avec forcément un aspect polémique. Avec forcément de la contradiction et des contradicteurs. Il me semble qu'un fidèle de la FSSPX, de l'IBP, de la FSSP ou de l'ICRSP ou de toute autre communauté doit être à même de défendre ses positions sans recourir à l'insulte ou au dénigrement systématique, non ? Doit-être réagir sans cesse de façon épidermique en refusant toute critique ? Est-ce que tout est dogmatique ? Est-ce que n'importe quel geste ou mot effectué ou prononcé par Mgr Fellay, l'abbé Laguérie, l'abbé Berg, Mgr Wach ou qui sais-je est frappé d'infaillibilté ? Est-ce que le bulletin de tel ou tel prieuré ou de telle ou telle chapelle est à graver forcément dans le marbre du Magistère sous le seul prétexte qu'il est signé par tel ou tel prieur ou chapelain ? Je ne le crois pas. Je ne le pense pas.

Comment s'en sortir, donc ? J'avoue ne pas trop le savoir. J'avoue qu'avec l'augmentation du nombre des liseurs, la solution n'est pas facile à trouver. J'ai rappelé à l'occasion du huitième anniversaire du FC (un des plus tristes, soit dit au passage) quels étaient selon moi les objectifs du forum. Je ne retire rien de ce qui a été écrit. Encore une fois, j'ai lu depuis que la modération (lire : les modérateurs) n'aurait pas bien emboîté le pas. MAIS QU'Y PEUT-ELLE, LA MODERATION (lire : les modérateurs) ? Fait-on boire des ânes qui n'ont pas soif ?

Vous avez la chance de disposer ici d'un site qui bénéficie d'un certain auditoire et d'une audience certaine. N'hésitez pas à vous en servir. Mais de grâce, faites en sorte que personne ne se dise "Purée, çui-là, si je l'avais en face de moi qu'est-ce que je lui mettrais !" Ben oui, fichtre ! rendez-vous aimables ! Donnez une bonne image de vous - même(s) ! Pensez au fait qu'au-delà de vous-même vous représentez votre propre famille spirituelle. On aura tôt fait d'amalgamer Ennemond ou Scribe à tous les sinpidistes, Mortimer à tous les zibépistes, XA à tous les sinpierristes, etc. etc.

Je repense souvent à un article de Philippe Maxence paru dans la Nef il y a quelques années avant qu'il ne prenne les responsabilités que l'on sait. Il y parlait de "ces catholiques qui ne s'aiment pas". Quelle misère, franchement. Quelle tristesse que ce spectacle de catholiques qui partagent le même Evangile, qui sur bien des points sont sur la même longueur d'ondes mais qui _ pour des détails, si l'on regarde bien le monde et l'Eglise dans laquelle nous évoluons _ trouvent quand même le moyen de se tirer dans les pattes.

Parce que nous cherchons toujours ce qui nous éloigne les uns des autres (en quête de je ne sais quelle pureté spirituelle) au lieu de cultiver ce qui nous réunit. Là encore, il me semble qu'il ne serait pas si compliqué de chercher à diffuser ici des informations qui vont dans le bon sens plutôt que de nous chercher querelle pour des broutilles. Non ?

Reste la question des personnalités. Et des affinités. On sait que des inimitiés ont pu voir le jour au fil des mois. Encore une fois, je crois que cet été fut très préjudiciable.

Je me permets ici d'évoquer deux points un peu plus personnels. Je veux parler pour commencer du quota de messages accordé à tel ou tel. Il est un fait que le quota classique conduit chaque liseur à avoir la possibilité de publier 10 messages par jour. Ce quota a évolué pour certains. Il peut être de 15, de 20, de 30 ou de 40 voire même illimité (en dehors des prêtres qui ont forcément un nombre illimité pour peu qu'ils se soient présentés comme tel lors de leur inscription.). Les liseurs sans limitation sont rares. S'ils sont dans cette situation, c'est généralement parce qu'ils ont bénéficié d'une grande antériorité sur le FC. Ou qu'ils y ont rendu quelques services de façon officielle ou non. Les invités à un RV du FC bénéficient aussi d'un tel quota. L'évolution des quotas des uns et des autres a été le fruit de l'évolution et de l'histoire du forum, mais aussi des relations entretenues avec tel ou tel liseur. Très ponctuellement, c'est aussi à la demande du liseur que j'ai pu être amené à considérer l'opportunité de réhausser son quota.

Dans la perspective d'un apaisement des esprits, et dans ce seul but, je procéderai incessamment sous peu (cela me demandera une bone heure) à la remise à 10 de l'ensemble des quotas, à l'exception de ceux qui sont aujourd'hui illimtés. Soyons clairs tout de suite afin que nul ne se sente lésé et que l'on ne vienne pas ici me tenir de mauvais procès : cela concernera des liseurs de tout poil et de toutes les fraternités ou de tous les instituts. (Les augmentations n'ont jamais été effectuées en fonction des sensibilités des uns ou des autres, quelques uns ici pourraient en témoigner.)

Cette mesure sera effective durant un mois. Mois dont j'espère qu'il conduira chacun à retrouver un peu de sérénité.

Par ailleurs, je crois que l'on devrait ici tous s'engager à faire en sorte de respecter le sujet initial d'un fil de discussion en en respectant le thème central. Trop souvent on constate que des discussions dévient, régulièrement pour des questions de susceptibilité personnelle. J'invite et j'encourage les midérateurs à faire preuve de la plus grande sévérité sur ce type de comportement. Je pense même qu'il serait souhaitable que ce type de trollisation des débats conduise à une réduction progressive des quotas des liseurs, quitte à ce que cela nous amène à supprimer tel ou tel compte. Nous y gagnerions du temps. Nous éviterions des débats stériles qui conduisent bien souvent à des noms d'oiseau.

J'évoquais deux points. Nous avons parlé des quotas. Je veux revenir sur l'équipe de modération. J'ai été sur ce point attaqué cet été. Me permettra-t-on ici de dire que le choix des modérateurs s'est lui aussi effectué au fil de l'eau ? Puis-je écrire ici que la majorité d'entre eux est issue d'une famille spirituelle qui n'est pas la mienne ? Suis-je responsable de leurs évolutions personnelles ? Oserais-je avouer combien de fois j'ai RENCONTRE Tolkien, Reginald, Emmanuel, Tibère ou Florilège ? Oserais-je écrire combien de fois nous avons pu converser au téléphone depuis leurs propres prises de fonction ?

Et Justin, me direz-vous ? Et Marc B. ? Et l'Hermitte ? Oui ? Eh bien ! quoi ?! Deux d'entre eux sont des purs fidèles de la fraternité, connus comme tels. Faut-il aussi que l'équipe de modération soit élargie à un autre liseur, du genre Ennemond ou Scribe, comme on me l'a récemment suggéré ? Pour qu'ensuite on aille me reprocher d'en avoir fait des tièdasses ? Sans blaaaaaague.

Non, chers liseurs, dites-vous bien que bien des travers que vous découvrez au sein du FC ne viennent que d'une origine. Là où il y a de l'Homme, il y a de l'hommerie. Là où 4 ou 5 discuent, fut-ce en Son Nom, ils ne prient pas. Nous ne ferons pas d'un forum, même placé sous le doux nom de catholique, un catéchisme à livre ouvert. Il est et reste un espace de discussion, pour peu que l'on accepte soi-même de discuter. Cessons donc d'en faire un Idéal ou un lieu idéal.

Mais cessons aussi, et cessez, je vous prie, de le dénigrer. Ou alors prenez votre courage à deux mains : quittez-le. Mais sachez que, que vous le vouliez ou non, il survivra à votre départ. Il n'est pas pire publicitaire pour lui que le frustré qui le quitte.

Comme sur DICI, je rappelle donc les mesures principales :
- retour à 10 de l'ensemble des quotas quotidiens pour au moins 1 mois, à l'exception des queqlues liseurs en quota illimité.
- invitation à l'équipe de modération de supprimer les messages volontairement provocateurs à l'encontre de tel ou tel liseur avec réduction progressive du quota du liseur fautif.


Demain, c'est la rentrée des classes. Qu'on se le dise.

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29 août 2008 5 29 /08 /août /2008 21:02
Extrait du dernier numéro de Monde & Vie, un hommage de M. l'abbé de Tanoüarn à Yves Amiot. L'occasion d'indiquer ici que le site de monde & vie évolue de jour en jour.

La nouvelle nous accable. Le 24 août, entre 11 heures et midi, Yves Amiot, qui a été un des grands soutiens de Monde & Vie, est parti rejoindre Celui qu’il avait voulu servir. Le cancer dont il souffrait ne lui a laissé aucune chance. Il s’est battu. Comme un lion. Mais la maladie a fini par l’emporter.

Né en 1934, il était encore dans l’ardeur et les projets d’un jeune retraité. A Bordeaux, au pays de sa femme Thérèse, il a dû rendre les armes et, provisoirement, laisser le dernier mot à la mort.

Il l’avait vu venir de loin, la camarde, et il l’avait accueillie avec simplicité, non avec je ne sais quelle résignation pieusarde, mais tel qu’il était, en combattant, décidé à mettre tout en œuvre, même si cet ultime effort ne devait servir à rien. Simplement parce qu’il le fallait.

Ceux qui ont eu le privilège de connaître et d’approcher cet homme de plume qui était aussi un homme de guerre, un militant dans le sens le plus noble du terme pourront penser qu’il cultivait une sorte de stoïcisme altier, parce que « c’était un dur ». Je crois vraiment que c’est ne rien comprendre à celui qui, après avoir été l’un des fleurons de la célèbre garde de Saint-Nicolas du Chardonnet, a mis un terme à sa carrière d’écrivain après son septième roman, en prenant la direction du mensuel Le Chardonnet, avant de fonder, à l’usage des catholiques perplexes, l’association laïque Sensus fidei. Pudique comme on ne l’est plus aujourd’hui, Yves Amiot n’était pas un dur, mais un tendre, cachant sous une façade volontiers marmoréenne, une intensité émotionnelle, qu’il ne communiquait qu’au petit nombre de ses plus proches. Je me souviens de ce jour où je suis venu le voir à Bordeaux, justement. C’est avec fierté, comme devant un ami, qu’il m’introduisit au sous-sol de sa demeure et me montra les reconstitutions de batailles célèbres, auxquelles il se livrait à ses moments perdus. Je me souviens de son ton détaché. Je me souviens de son émotion rentrée. Il l’a exprimée, cette émotion d’un historien qui fait corps avec son sujet, dans le livre qui est sans doute son plus beau roman, le dernier : Le cavalier Rampin (Flammarion, 1991). Il écrivait, parlant des champs de bataille du passé : « Rien ne ressemble davantage à un terrain vague de banlieue lépreuse, livré à la décharge publique et à toutes les déprédations. Il faut consentir à un effort exceptionnel d’imagination pour que ressurgissent les images mentales des scènes, des drames qui s’y sont déroulés. Mais un simple incident, un objet retrouvé, un regard posé sur une perspective évocatrice suffisent parfois pour que le sortilège se produise avec une intensité émotionnelle inattendue et que renaisse un monde disparu, vibrant de bruits et de fureur ». Dans Bonaparte ou la fureur de vaincre, il a montré à quelle intensité incandescente il pouvait atteindre dans la reconstitution minutieuse des champs de bataille du passé, non pas seulement par la précision des renseignements d’histoire militaire qu’il avait collationnés mais par la largeur de son information qui restitue aussi la dimension humaine et le dessein géopolitique de son héros. Les hautes fonctions qu’il occupa dans telle grande banque française, au moment critique des nationalisations, lui avaient donné l’habitude des vastes perspectives. Son association Sensus fidei cultive, dans la terrible crise présente de l’Eglise, une hauteur de vue peu commune, reposant sur le jugement qu’il savait porter sur les hommes. L’avènement de Benoît XVI avait suscité en lui une grande espérance ; la réélection de Mgr Fellay pour 12 ans, à la tête de la Fraternité Saint-Pie X, laissait sceptique cet admirateur inconditionnel de Mgr Lefebvre. On lui en a voulu de faire état publiquement de ses interrogations. La profondeur de son engagement, la liberté de sa foi le lui commandaient, plus encore que son amitié pour tel ou tel d’entre nous.

Mais revenons à Napoléon. Yves Amiot n’était pas bonapartiste au sens où on l’entend habituellement mais il aimait chez Bonaparte cet arc tendu d’une volonté qui ne sait pas plier. On retrouve ce trait chez tous les héros de ses romans, qui, chacun pour leur part, cultivent ce sens de la décision, ou comme il l’écrit lui-même quelque part « cet instinct venu du fond de l’histoire qui arrache le combattant à lui-même, c’est-à-dire à l’amour de la vie ». Avec beaucoup de retenue, sans le moindre exhibitionnisme, Yves Amiot croyait à la puissance de la vie intérieure. Il citait volontiers ce mot étonnant d’Ernest Renan, qui décrit si bien ce qu’il voulait cacher : « L’homme qui, un instant, s’est assis pour réfléchir sur sa destinée, porte au cœur une flèche qui ne s’arrache plus ».

Abbé Guillaume de Tanoüarn

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21 août 2008 4 21 /08 /août /2008 07:48
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