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15 mai 2008 4 15 /05 /mai /2008 12:35
« Deux jours à tuer »
Le désespoir moderne devant la mort

C’est le titre du nouveau film de Jean Becker : Deux jours à tuer(...) Le film pose avec une saisissante maîtrise ce que l’on appelle imparfaitement un « problème de société ».


A la suite d’un quiproquo où il n’est pour rien, le principal personnage, Antoine Méliot, joué par Albert Dupontel, laisse croire à sa femme, et fait croire au spectateur, qu’il a une liaison extra-conjugale. Le spectateur ne saura la vérité qu‘à la fin du film, et sa femme seulement après sa mort. Quand on connaît la clef de l’histoire, il convient de la revivre depuis le début en connaissance de cause, par exemple en voyant le film une seconde fois.

On aperçoit alors qu’il s’agit d’un brutal mais caché face à face avec la mort. Un face à face désarmé. La mort fait peur et horreur à la nature créée, elle est source d’une profonde tristesse, on le voit déjà dans le règne animal. Il s’y ajoute chez l’homme la douloureuse pensée du déchirement que la séparation va causer aux êtres chers qui survivent, sentiment qu’Albert Dupontel joue admirablement. Notre Seigneur lui-même a pleuré devant le tombeau de Lazare, qu’il allait pourtant ressusciter ; et Marthe n’est pas consolée de « savoir qu’il ressuscitera au dernier jour » (Jn 11, 24). Par quoi l’on voit que la plus ferme espérance surnaturelle n’allège pas la tristesse. Mais elle suscite une confiance qui arme l’esprit contre le désespoir.

Le personnage mis en scène par Jean Becker est absolument désarmé devant la perspective qu’avec la mort tout va disparaître. Rien n’a plus de sens si la vie n’a pas d’autre aboutissement que la séparation déchirante et le néant. On sent le poids écrasant d’une énorme absence. Cet Antoine Méliot vit et pense à l’unisson d’une société qui n’est même pas athée, elle n’a aucune idée pour ou contre le surnaturel, elle l’ignore. On est en deçà de cette inquiétude qui fut de tout temps une esquisse d’espérance, toutes les sociétés l’ont eue avant la société moderne : le vague souhait d’une immortalité de l‘âme, la croyance qu’il existe peut-être, au-delà du monde visible, une Bienveillance mystérieuse ou bien une Sévérité qui juge ; un « dieu inconnu » comme celui auquel les Athéniens avaient à tout hasard dédié un temple. La société moderne est celle d’une humanité désormais amputée de ce qui avait toujours été sa plus haute aspiration.

En ce sens-là, le personnage qu’incarne Albert Dupontel est parfaitement moderne : et le plus remarquable, le plus décisif, c’est qu’il n’est cependant ni un soixante-huitard, ni un débauché, ni un bling-bling, ni un abruti de télévision, ni un amateur de rave-parties, ni un membre influent de la classe politico-médiatique. C’est un homme honnête et un honnête homme. Il n’a pas encore été ravagé dans sa personnalité par la dure sentence de Chesterton à laquelle rien n‘échappe finalement : « Ôtez le surnaturel, il ne reste que ce qui n’est pas naturel. » Ou plutôt, il n’a été atteint que par cette absence radicale d’espérance, il n’en a pas même une ombre ou un vague reflet. Mais il est d’un naturel bienveillant et généreux, son réflexe habituel est d‘écouter les gens et de les aider. Et surtout il a, un peu aveugle, ou au moins obscure, une réelle piété filiale, qui est comme on le sait la plus grande vertu naturelle, la plus belle, la plus riche, la plus fondamentale, la seule à laquelle a été promise une récompense temporelle, le principe solide, fécond, indispensable de toute vie sociale. Mais rien, pas même cela, ne saurait combler l’absence de Dieu. Le film trace un saisissant portrait de cette Absence.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 6588 de Présent, du Jeudi 15 mai 2008

A lire, dans le même numéro Deux jours à tuer Première lecture par CAROLINE PARMENTIER et Deuxième lecture par ALAIN SANDERS
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14 mai 2008 3 14 /05 /mai /2008 09:51

Jacques Bainville a tenu pendant trente ans la rubrique « politique internationale » en première page du quotidien royaliste « L’Action française ». Il a prévu que la guerre totale serait la conséquence politique de la paix bâclée de 1918. Il est mort en 1936, avec, déjà, l’aura d’un prophète. Sans avoir pu vérifier à quel point il avait raison.

On oppose souvent Charles Maurras et Jacques Bainville, qui ont travaillé dans le même journal et pour le même mouvement dans un accord qui ne s’est jamais dé­menti. Il y aurait d’un côté Maurras, le Méridional trop facilement porté à l’excès, et de l’autre Bainville, parfait Parisien, homme rationnel, bannissant l’excès et qui se serait en quel­que sorte trompé de porte en poussant celle du Café de Flore, en 1900, pour une rencontre qui sera décisive avec Charles Maurras, jeu­ne maître à penser de l’Action française, un mouvement qui n’était pas encore devenu royaliste.
En réalité, ce qui caractérise Bain­ville, comme nous le montre Christophe Dickès dans sa belle biographie intellectuelle, c’est un scepticisme affiché vis-à-vis de toute forme de démocratie. (...)


La suite de cet article de Joël Prieur paru dans Minute (numéro 2358 du 14 mai 2008) peut être lisue directement sur le Forum Catholique, en cliquant ici.
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6 mai 2008 2 06 /05 /mai /2008 14:58
Ce lundi, à Nantes, en l’église Saint-Clément, on célébrait les obsèques d’une jeune maman et de son petit Ferdinand. Hélène Poudré n’avait que 31 ans, son fils bientôt 3. Elle attendait son deuxième enfant dans la joie. Tous ont péri dans le terrible incendie qui a ravagé leur maison mercredi dernier.

C’est un fait divers tragique, comme nous, journalistes, en voyons tous les jours dans le fil des informations craché de minute en minute par les agences. Un fait divers parmi d’autres, un simple drame personnel, alors qu’il y a tant à dire de nos sociétés qui se disloquent, de la culture de mort qui se répand, du refus de Dieu qui cause tous nos malheurs. Nous vous en disons tant, chers lecteurs, que vous vous plaignez parfois de ce que Présent soit trop négatif. Alors, pourquoi vous parler d’Hélène et de Ferdinand ?

Ecoutez donc. Alertée par des ouvriers qui travaillaient en face de chez elle que le premier étage brûlait, la jeune femme a eu une réaction immédiate, sans la moindre hésitation. « Mon fils est au premier étage ! »… Et de s’engouffrer dans l’escalier, de plonger dans la fumée si épaisse, déjà, que nul n’a voulu l’y suivre. Elle est morte asphyxiée. Laissant ses parents, ses huit frères et sœurs, sa famille, ses amis, et surtout son mari Damien, seuls devant l’incompréhensible arrachement auquel ils doivent désormais faire face. Pourquoi ce sacrifice ? Ce sacrifice apparemment inutile ?

Mais on l’a retrouvée serrant Ferdinand contre son cœur. Son petit n’est pas mort seul. Oui, c’est important. Mystérieusement plus important que cette vie terrestre. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » Dans la mort Hélène et Ferdinand avaient, dit-on, le visage paisible et serein. Ils sont entrés dans la Vie.

Car derrière la tragédie, derrière le mystère de la souffrance et de la mort, c’est bien cette lumière que nous devons percevoir : la lumière de la vie donnée généreusement, donnée puis accompagnée dans la mort mais surtout vers l’Au-delà, aux antipodes de ce que nous enseigne aujourd’hui le monde. Voilà pourquoi ce fait divers est en lui-même une réponse à la culture de mort qui nous entoure et nous asphyxie de façon autrement plus cruelle que les flammes et les fumées. Hélène Poudré a agi comme une mère qui d’instinct, protège la vie : c’était naturel. Mais c’était aussi surnaturel. Hélène Poudré était, aux dires de ses proches, une catholique à la foi trempée et rayonnante. On aurait pu économiser sans doute l’horreur d’un tel sacrifice dans un monde où les enfants seraient tous accueillis et aimés. Hélas…

Nous saluons aujourd’hui une mère héroïque, en même temps que nous disons partager, bien pauvrement, la peine inimaginable des siens. Notamment ses oncles, les abbés Jacques et Philippe Laguérie…

JEANNE SMITS

Article extrait du n° 6583 de Présent, du Mardi 6 mai 2008
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30 avril 2008 3 30 /04 /avril /2008 20:00
En toute immodestie, je vous renvoie sur la page consacrée à mon intervention de ce 30 avril 2008 au micro de Radio Courtoisie. Merci à Daniel Hamiche pour son invitation.

Cliquez ici.

Durée totale de l'extrait : 41’15 ‘’
Dont voici
un timecode succinct :

  • 20ème seconde : accueil de XA
  • [...]
  • 1’ 45 ‘’ :  Premier sujet : L'école sainte Jeanne d'Arc
  • 14’ 27’’ : Second sujet : Le Forum Catholique !
  • 29’30’’ : Commentaire de Guillaume de Thieulloy (les4verites.com) sur l’usage d’internet…
  • [...]
  • 35’37’’ : Information - Formation – Liens forts entre intervenants – Chaînes de prières
  • [...]
  • 39’24’’ : De l'agressivité de certains silences
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28 avril 2008 1 28 /04 /avril /2008 06:36

 Il y a cinquante ans, en 1958, s’achevait le pontificat de Pie XII et commençait celui de Jean XXIII, pontificat de transition, de rupture (dans la méthode) et de continuité (dans le fond) ; Jean XXIII n’était pas un libéral.

Il y a quarante ans, en 1968, la France connaissait un psychodrame estudiantin puis social qui ouvrait la voie à une mutation radicale des esprits, des mentalités et des comportements tandis que, dans l’été suivant, Paul VI s’attachait, selon son expression, à « réaffirmer, confirmer les points capitaux de la foi de l’Eglise », en proclamant un Credo du peuple de Dieu de forme très traditionnelle et que, par l’encyclique Humanæ vitæ, il n’hésitait pas à « heurter de plein fouet ”la conscience collective de l’humanité” en son état actuel d’aveuglement et d’autosuffisance. » (selon l’expression de Jean Madiran).

Il y a trente ans, en 1978, s’achevait le pontificat de Paul VI, pape du dialogue, de l’achèvement du concile Vatican II et de sa mise en application, et commençait celui de Jean-Paul II, pape anti-moderne, qui emprunta, lui aussi, la voie du dialogue et commença l’œuvre de dépassement qui caractérise le pontificat de son successeur.

Il y a vingt ans, en 1988, Mgr Lefebvre consacrait, sans mandat pontifical, quatre évêques. Il le faisait, en arguant de « l’état de nécessité » : dans une Eglise battue par la tempête (l’image est de Paul VI, reprise par Benoît XVI), il jugeait nécessaire une « opération-survie » pour assurer la continuité de son œuvre, toute dédiée à préserver le sacerdoce et la messe traditionnelle.

Vingt ans après cette rupture du fondateur de la FSSPX, les circonstances ont changé. L’ « état de nécessité » est-il toujours le même ? Benoît XVI, dans un discours très important, a plaidé pour « une juste interprétation du concile » et a rejeté l’ « herméneutique de la discontinuité et de la rupture » qui s’est répandue jusque dans la théologie (Discours à la Curie, le 22.12.2005). Puis, il a restauré solennellement le droit d’existence de la messe traditionnelle (motu proprio du 7.7.2007).

Ces deux actes majeurs du pontificat de Benoît XVI ne paraissent pas suffisants au Supérieur général de la FSSPX pour permettre une réconciliation avec Rome. Le 14 avril dernier, Mgr Fellay a fait connaître les raisons pour lesquelles la FSSPX « ne peut pas “signer d’accord“ ». Il l’a dit, non dans un document officiel ou une déclaration solennelle, mais dans une « Lettre aux amis et bienfaiteurs » publiée régulièrement (c’est la 72e). Le Monde, dans un article d’Henri Tincq, et La Croix, dans un article de Jean-Marie Guénois, parus le même jour, qualifient en des termes identiques la position de Mgr Fellay : « une fin de non-recevoir ». Henri Tincq est plus violent, comme d’habitude, en parlant de « déclaration de guerre contre le pape et Rome ».

L’erreur d’interprétation est flagrante : il ne s’agit pas d’une « déclaration de guerre », ou d’une « nouvelle étape dans le contentieux », comme l’écrit Jean-Marie Guénois, mais d’une position d’attente. Sans ajouter d’autres commentaires à la position exprimée par Mgr Fellay, je crois utile de faire connaître l’analyse qu’en a faite l’abbé Guillaume de Tanoüarn, un des fondateurs de l’Institut du Bon Pasteur.


L’analyse de M. l’abbé Guillaume de Tanoüarn :

J'ai écrit que la FSSPX ne devait pas se presser de signer. Signer pour signer n'a pas de sens. Signer quoi ? Pour aller où ? Il faut pouvoir être fier de ce que l'on signe avec le Père commun des fidèles (comme je l'ai été et le suis moi même), ou alors cette signature n'est qu'un chiffon de papier, qui vous met en danger. Signer un chiffon de papier qui engendrerait la division et l'auto-destruction de la FSSPX, cela ne constitue en rien une solution. Par ailleurs, pour être capable de signer un véritable accord, il faut savoir et faire savoir où l'on va. Et pas se référer à des événements qui ont quinze ans. Pas reprendre en boucle un discours que l'on n'a pas revu (ou retravaillé) depuis quinze ans. Comme si rien n'avait changé.

Lorsqu'on entend, venant de la FSSPX ou de ses amis (dont je fais partie) : le moment n'est pas encore venu de signer, cette expression peut être prise en deux sens.

Soit : il n'est pas temps de signer, parce que Rome n'est pas allé assez loin dans la Restauration. Et je pense que ce motif est lâche et qu'il conduit à reporter le souci de l'unité de l'Eglise après la parousie. il y aura forcément toujours une raison d'ici là pour dire que cela va mal et rester dehors.

Soit encore, en un sens tout différent : il n'est pas temps de signer parce que la FSSPX n'a ni l'unité interne ni la force nécessaire pour affronter immédiatement une telle mutation. En signant trop vite (quoi ? pour aller où ?) elle risque d'exploser en vol, pour le plus grand malheur de toute la chrétienté. Le combat est difficile. Les épiscopats ne souhaitent pas forcément pratiquer la vertu d'accueil. Un bon accord est un accord qui se signe en force. Il faut que la FSSPX résolve d'abord des difficultés internes. Elle doit le faire petit à petit, en soutenant résolument, au jour le jour, tout ce qui, dans l'action providentielle de Benoît XVI, demande à être soutenu.

[…]

la FSSPX doit s'engager pour l'Eglise et pas seulement en lançant des campagnes du Rosaire, mais en faisant tout ce qui est en elle, en s'exposant comme s'exposait Mgr Lefebvre, en soutenant le pape, dont certains textes sur l'œcuménisme aux Etats-Unis sont simplement magnifiques, dont certains textes sur la liberté religieuse sont très éclairants.

(Le Forum catholique, 25 avril 2008).

Lien vers le blog d'Yves Chiron

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18 avril 2008 5 18 /04 /avril /2008 19:52
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17 avril 2008 4 17 /04 /avril /2008 10:37
Dom Gérard et la messe
par Jean Madiran



Il n’y aurait donc plus de problème avec la nouvelle messe de Paul VI. La mouvance traditionnelle elle-même a enfin compris la nécessité de l’admettre telle quelle. La reconnaissance de cette nécessité, eh bien ce fut Dom Gérard le moteur d’un tel miracle. On l’en félicite ou on le lui reproche, mais enfin c’est bien lui qui l’a fait : un mois après ses funérailles, voilà déjà ce que l’on pouvait entendre et lire en substance, voire littéralement.

Si on laisse passer aujourd’hui, que n’inventera donc pas dans un an.


Bref avertissement.
– Il faut d’abord savoir de quoi l’on parle et ce que signifient les mots que l’on emploie. C’est l’usage qui en est le grand maître. Quand les gens entendent parler de « messe de Paul VI », de « nouvelle messe » ou de « nouvel Ordo Missae », ils comprennent qu’il s’agit des célébrations auxquelles ils assistent (ou participent) dans les paroisses, depuis presque quarante ans.

En réalité ce ne sont pourtant pas, la plupart du temps, des « messes de Paul VI » mais, au mieux, des « messes issues de la messe de Paul VI ».

Avec Jean-Paul II

En 1995, à la tête d’un important pèlerinage à Rome, Dom Gérard apportait au Pape une caisse de carton contenant 70.000 signatures en faveur du rite traditionnel.

Jean-Paul II lui accorda une audience qu’il programma comme faisant suite à une concélébration dans sa chapelle privée. C’était une marque d’estime et un grand honneur d’être invité à concélébrer avec le Pape… mais dans le rite de Paul VI, ce n’était pas forcément une attention délicate. On aurait attendu plutôt l’inverse : la concélébration avec le Souverain Pontife existe en effet dans le rite romain traditionnel. (L’attente, d’ailleurs, se prolonge, pourquoi le taire, on peut le dire en tout respect, l’attente d’une messe célébrée par le Pape selon ce que Benoît XVI a finalement nommé le « rite extraordinaire ».) A l’occasion de cette concélébration, Dom Gérard eut l’occasion de rappeler publiquement quelque chose de bien connu, « la validité et l’orthodoxie » du nouveau rite promulgué par Paul VI.

Le terme d’« orthodoxie » choqua le cher abbé Paul Aulagnier. En l’occurrence il signifiait simplement que, dans son texte authentique, la nouvelle messe n’est pas hétérodoxe, elle n’est pas hérétique. C’est ce que dirent dès 1969 le cardinal Ottaviani, Cristina Campo, Guérard des Lauriers, Raymond Dulac, Louis Salleron (etc.) ; et c’est ce qui est resté constamment admis par la plupart de ceux qui ont émis des doutes, des réserves, des objections à l’encontre de cette artificielle fabrication, « pernicieuse par son caractère évolutif et œcuménique ».

En France

L’année suivante, Dom Gérard s’est trouvé dans une situation analogue quand il s’est agi de faire entrer le Barroux dans la conférence monastique de France.

Les évêques susceptibles d’accepter une fondation du Barroux dans leur diocèse étaient contraints, au nom d’une « collégialité » manipulée par son noyau dirigeant, de refuser leur autorisation aussi longtemps que le Barroux ne serait pas admis dans la conférence monastique. Celle-ci, probablement sous la pression du même noyau dirigeant, exigea, pour une telle admission, deux concélébrations et, en outre, l’assurance de ne jamais interdire aux prêtres du Barroux de concélébrer en dehors de leur monastère. Cette dernière exigence, Dom Gérard a reconnu plus tard qu’il aurait pu la rejeter en se retranchant sur le droit propre de la communauté du Barroux, fondé sur les Déclarations, approuvées par Rome, auxquelles les moines du Barroux sont solennellement liés par leurs vœux de religion. On y lit en effet : « Vie monastique selon la Règle de saint Benoît et les coutumes léguées par nos anciens, l’office divin et la liturgie de la messe célébrés selon les rites plus que millénaires de la Sainte Eglise Romaine, dans la langue latine : telles sont les deux sources qui ont donné naissance à la communauté du Barroux et constituent sa raison d’exister. » Ce n’est pas un indult dont il serait loisible d’user ou de ne pas user, et qui pourrait être supprimé, c’est ce que le droit canon appelle une lex propria, c’est la « loi propre » de la communauté du Barroux.

Selon une thèse contraire, aucun supérieur religieux ne pourrait interdire à un prêtre de concélébrer selon le « rite ordinaire ». C’est peut-être là une de ces quaestiones disputatae où diverses opinions sont libres de s’opposer les unes aux autres.

Un cas particulier

En tout cas voilà tout ce que l’on peut trouver chez Dom Gérard qui paraisse « en faveur » (?) de la messe nouvelle. Il ne s’en est point caché, cela est de notoriété publique, il a dit ce qu’il avait à en dire, et il n’y a vraiment pas de quoi en faire de lui le moteur ni même un bienveillant accompagnateur du ralliement (qui d’ailleurs n’a pas eu lieu) de la mouvance traditionnelle à une prétendue « nécessité » de la nouvelle messe. Dans la formation qu’il leur a donnée, il a toujours dit à ses moines de s’en abstenir à l’extérieur comme à l’intérieur du monastère. Il aimait mentionner les quatre années où trois moines du Barroux, étudiants à Rome et logés à l’abbaye Saint-Anselme, ont à contre-courant respecté la règle de refuser toute concélébration.

Autrement dit, ce qu’il a été amené à faire en certaines circonstances doit être – pour reprendre une formule officielle employée par le Saint-Siège dans une tout autre affaire – considéré comme « un cas particulier qui ne saurait être généralisé ». Dom Gérard lui-même s’est élevé, et parfois par écrit, contre une telle généralisation :

– Je regrette infiniment, protestait-il, que les deux concélébrations que j’ai consenties pour le bien de notre fondation d’Agen puissent créer un précédent dont on s’autoriserait à tort, non seulement pour en poursuivre et multiplier la pratique, mais aussi et surtout pour le reconnaître comme l’exercice d’un droit.

Gravement, il ajoutait à ce sujet :

– Il me revient le droit d’interdire formellement que l’on s’autorise de moi pour faire le contraire de ce que j’ai enseigné et pour quoi j’ai milité contre vents et marées.

Par « principe »

Selon une vue sommaire, qui est un piège, il ne pourrait y avoir que deux attitudes : ou bien reconnaître la « nécessité d’adopter » la nouvelle messe, ou bien la « refuser par principe ».

Mais « par principe » a un sens propre et un sens figuré.

Au sens propre, refuser la nouvelle messe par principe, ce serait la déclarer invalide ou hérétique.

Au sens figuré, c’est s’en abstenir partout et toujours.

La plupart des prêtres et des fidèles qui s’abstiennent partout et toujours de la nouvelle messe ne la croient cependant ni hérétique ni invalide.

D’ailleurs, dans la plupart des cas, ce n’est point de la « messe de Paul VI » qu’ils s’abstiennent, mais en fait de « messes issues de la messe de Paul VI » dont la valeur est manifestement incertaine.

Et puis…

Ce qui contribue à tout brouiller, c’est aussi, voire d’abord, l’usage de catégories artificielles qui enferment (et déforment) les réalités dans une opposition dialectique entre « ouverture » et « ghetto », « avenir » et « passé », « positif » et « négatif », « largeur d’esprit » et « fermeture ». Ce vocabulaire, ces concepts, ces critères sont d’esprit marxiste-léniniste, ils ont, dans nos démocraties occidentales, survécu à l’effondrement de la Russie soviétique. Les médias en demeurent pourris. La contagion, si l’on n’y veille, n’en épargne personne.



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La rumeur dont nous parlons, la mauvaise rumeur, orale ou imprimée, semble n’avoir pas tout à fait ignoré la fermeté de Dom Gérard face à la nouvelle messe : alors elle trouve commode de supposer que ce fut à la fin de sa vie. Tardivement, sa position serait devenue moins irénique, plus sévère, parce qu’il serait devenu attentif aux effets catastrophiques de la réforme liturgique. Comme s’il n’en avait rien aperçu quand il se faisait (sans motif ?) ermite à Bedoin.



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Jusqu’ici, on n’avait entendu aucun prêtre, aucun laïc déclarant avoir été amené par Dom Gérard à reconnaître la nécessité du nouveau rite. Si maintenant il existe une exception, ce doit être un malentendu.

JEAN MADIRAN


Article extrait du n° 6571 de PRESENT du Jeudi 17 avril 2008, pp. 1 et 3
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9 avril 2008 3 09 /04 /avril /2008 23:16
Reportage Jérôme Triomphe prépare la défense de l'un des trois supporters mis en examen vendredi dans l’affaire de la banderole anti-Ch’tis. Son client, 30 ans, a reconnu avoir participé au déroulement de la banderole lors la finale de la Coupe de la Ligue PSG-Lens, samedi 29 mars. Il est cadre dans une grande entreprise. Supporter «indépendant», il a déjà fait l’objet de deux interdictions administratives de stade de trois mois dont la deuxième a été annulée par la justice.

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-Votre client s’attendait-il à ce que l’affaire prenne une telle ampleur?

Ni mon client ni personne ne pouvait imaginer la démesure que prendrait cette affaire désormais d’Etat : le Président de la République intervenant publiquement, le Procureur de la République de Bobigny organisant une conférence de presse, les analyses ADN pour tenter de retrouver les personnes impliquées alors qu’il existe des listes d’attente pour ce genre d’investigations lourdes y compris dans des dossiers criminels. Un responsable politique a même évoqué la possibilité de faire appel aux services secrets pour retrouver les coupables ! Cette débauche de moyens en est même indécente quand on sait combien d’infractions restent sans poursuites.

- Pourtant cette banderole était voulue choquante… Elle ne s’adressait pas aux Ch’tis en général et leurs auteurs n’avaient aucune intention de les blesser. Cette banderole s’adressait à un groupe de supporters du club de LENS, les «Red Tigers» dans le cadre d’échanges et de rivalités qui sont récurrents entre certains supporters. C’est choquant pour un œil extérieur non averti mais cela fait des années que des supporters se répondent match après match par banderoles interposées, y compris entre certains supporters Ch’tis de clubs concurrents. Elles n’ont pourtant jamais suscité l’indignation d’aujourd’hui alors que leurs termes n’ont rien à envier à celle qui est en cause. La médiatisation autour de cette affaire s’explique certainement par le succès de l’excellent film de Dany Boon «Bienvenue chez les Ch’tis». Mais faut-il donc faire 17 millions d’entrées pour être l’objet d’une attention et d’une protection politico-médiatico-judiciaire particulières?

-Alors, l’accusation de «provocation à la haine et la violence» était-elle fondée?
Non, évidemment. Les propos de cette banderole sont en effet volontairement caricaturaux et outranciers : ils portent en eux-mêmes la démonstration de leur absence de portée. Qui peut prendre au sérieux , et en tirer un sentiment haineux ou un comportement violent, le fait que les ch’tis seraient des pédophiles, des chômeurs et des consanguins?
L’affaire qui s’en est suivie en est d’ailleurs l’illustration : loin de pouvoir provoquer à la haine ou à la violence, cette banderole a provoqué l’indignation, la réprobation générale et même la compassion envers les Ch’tis.
Tout ce qui est choquant ou même immoral ne tombe pas sous le coup de la loi. C’est le «droit au mauvais goût» qu’a développé Maître Francis Terquem, avocat et cofondateur de SOS Racisme, dans les colonnes de «Libération» du 4 avril 2008.

Propos recueillis par Daphné Mongibeaux
www.parismatch.com
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17 mars 2008 1 17 /03 /mars /2008 19:47
« Ne croyez pas ceux qui vous disent que la jeunesse est faite pour s'amuser ; la jeunesse n'est pas faite pour le plaisir, elle est faite pour l'héroïsme » P. Claudel

Bien chers amis,

Certains d’entre vous seront peut-être étonnés de voir un prêtre adresser une telle lettre aux jeunes alors que le carême se termine.
En voici la raison, sous forme de calendrier :
Samedi avant le dimanche de la Passion : soirée
Vendredi avant les Rameaux : soirée
Samedi avant les Rameaux (et donc début de la Semaine Sainte) : soirée
Il s’agit bien sûr uniquement de l’avant-dernière semaine de carême : étant généralement d’un tempérament optimiste, je n’ai pourtant aucune illusion sur les semaines précédentes, sachant même qu’il y a déjà eu des soirées organisées par des catholiques… le Vendredi Saint !
Je ne reviendrai pas sur le débat classique « pour ou contre les soirées, pour ou contre les rallyes, etc. » Un confrère et ami de Nantes a déjà publié un excellent texte à ce sujet, et j’y souscris totalement. D’ailleurs, sans être devin, je puis imaginer qu’un petit curé de campagne, qui vécut à Ars voici près de deux siècles, doit y adhérer lui aussi du haut du Ciel.
Je voudrais pour ma part vous inviter à réfléchir, d’une manière plus générale, sur le sens de la vie chrétienne pour un jeune catholique en 2008.
En effet, il serait trop facile de se confiner dans un petit bocal confortable et « religieusement correct » : je vais à la Messe tradi, je suis même peut-être scout, j’ai un Sacré-Cœur ici, une fleur de lys là, je vais aux cours de caté, parfois même à la Messe de temps en temps en semaine… donc d’une part je suis en règle avec le Bon Dieu, et d’autre part je ne suis pas loin d’imaginer que je suis le meilleur.
Pensez bien que grand danger qui vous guette, c’est la piété de façade, le « vernis catho », le simulacre d’une existence chrétienne basée sur les apparences. C’est d’estimer que l’on peut concilier la vie mondaine et la vie intérieure, et finalement (tôt ou tard) les ténèbres avec la lumière, autrement dit le péché et la grâce. Si le Christ avait été un homme de compromis, il ne serait pas mort sur la Croix !
Relisez la parabole du pharisien et du publicain : vous y voyez un homme qui limite sa piété à l’accomplissement de préceptes. Vous y voyez un autre qui veut vivre sa relation à Dieu dans la cohérence et dans la sincérité. Lequel d’entre eux êtes-vous ? Avez-vous cette unité de vie qui a toujours été la caractéristique première de tous les saints que l’Eglise nous montre en exemple ?
Le Seigneur, nous le savons bien, n’aime pas les demi-mesures ; il n’aime pas la tiédeur ; il n’aime pas la grisaille ; il n’aime pas le respect humain.
Il n’a que faire des jeunes qui se limitent à une piété formaliste, fade, et qui est bien souvent hypocrite : par exemple, avant de communier, combien se posent la question de savoir s’ils ont assisté à la Messe avec attention et respect, ou s’ils sont en état de recevoir le Corps du Christ ? Etre honnête avec Dieu, c’est la meilleure façon d’être honnête avec soi-même et avec son prochain.
Il n’a que faire des jeunes qui n’ont pas le courage de refuser une invitation pendant le carême, et qui ont peur des ricanements de leurs amis ou de leur « milieu ». Vous craignez qu’on se moque de vous, vous redoutez qu’on vous traite de « coincé » ou de « rigoriste » ? Regardez donc un crucifix, et cherchez au fond de votre cœur à qui vous voulez ressembler.
Si, pour vous, le carême se limite à marmonner machinalement une petite prière avant de vous coucher, à fumer huit cigarettes par jour au lieu de dix, à passer trois heures par jour sur internet au lieu de quatre, ou plus globalement à choisir des privations qui ne vous coûtent pas, alors ne venez pas vous plaindre si par la suite votre vie est maussade, si votre âme ne monte pas vers les sommets, ou si vous avez l’impression que Dieu est injuste lorsque vous êtes en face de l’épreuve, de l’obstacle ou de l’échec. A Celui qui a donné jusqu’à sa propre vie pour vous sauver, aurez-vous essayé d’offrir ne serait-ce qu’un seul sacrifice digne de ce nom (pas celui qui vous arrange, mais celui qui Lui plait)? Il est bon de penser souvent à cette inscription trouvée un vieux calvaire, et qui s’adresse à chacun d’entre nous :

« Je suis la Lumière, et vous ne me voyez pas…
Je suis le Chemin, et vous ne me suivez pas…
Je suis la Vérité, et vous ne me croyez pas…
Je suis la Vie, et vous ne me cherchez pas…
Je suis le Chef, et vous n'obéissez pas…
Je suis le Maître, et vous n'écoutez pas…
Je suis l'Ami, et vous ne m'aimez pas…
Je suis votre Dieu, et vous ne me priez pas…
Alors, si vous êtes malheureux… ne m'en veuillez pas ! »


Dieu merci, il y a des jeunes qui, semblables à saint Jean, sont prêts à suivre le Seigneur jusqu’au pied de la croix. Il y a des héritiers de Baden-Powell, de Guy de Larigaudie, de Pier Giorgio Frassati, du général Mac Arthur («On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années : on devient vieux parce qu’on a déserté son idéal.»)
Samedi dernier, pendant que certains dansaient et pensaient à tout sauf au Bon Dieu, d’autres sont venus regarder le film de Mel Gibson sur la Passion, et ont ensuite adoré le Vrai Dieu dans l’ostensoir. Plusieurs parmi eux ont même reçu le sacrement de pénitence. Il est clair que le Seigneur, tôt ou tard, saura les récompenser de leurs efforts, de leur ferveur et de leur persévérance :
« C’est bien, serviteur bon et fidèle, en peu de choses tu as été fidèle, sur beaucoup je t’établirai ; entre dans la joie de ton Maître » (Mt. 25,23).
Beaucoup d’entre vous iront sans doute ces prochains jours aux offices de la Semaine Sainte. Je souhaite, en tant que prêtre, y accueillir de nombreux participants qui veulent s’unir au Seigneur en esprit et en vérité, et non des spectateurs distants qui seront passés à côté de l’essentiel.
Il est grand temps, ne pensez-vous pas, de quitter la cohorte déjà trop nombreuse des chrétiens médiocres, et de rejoindre le Bon Dieu avec toute l’exigence que cela comporte, mais en pensant aussi à toute la liberté qu’Il vous accordera sur la terre et à tout le bonheur qu’Il vous procurera au ciel.
Que Notre-Dame vous aide à suivre toujours plus fidèlement Celui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie.
Bonne Semaine Sainte à tous !

Abbé Philippe Jouachim, FSSP

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11 février 2008 1 11 /02 /février /2008 19:55

9h51, Lourdes. Quelque 70.000 pèlerins participent à une messe internationale, le 11 février 2008 à Lourdes, pour fêter le 150e anniversaire de l'apparition de la Vierge Marie à Bernadette Soubirous. Cette petite ville de 15.000 habitants, nichée au pied des Pyrénées est le deuxième lieu catholique le plus visité au monde, après Rome. AFP/BONAVENTURE
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