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23 janvier 2010 6 23 /01 /janvier /2010 10:40

… et il « refuse » !

puce_carreUne seconde rencontre a eu lieu lundi entre la FSSPX et la congrégation romaine pour la doctrine. Elle s’est tenue à huis clos. Néanmoins La Croix s’est empressée dès mercredi de faire deux grandes pages de diatribes injurieuses contre « les intégristes » : l’injure insupportable commence, on le sait, avec ce sobriquet infamant et ravageur que La Croix répète et répète avec une insistance inlassable.

puce_carreMis à part ce refrain moralement meurtrier, le sommet insidieux de cette rageuse dégoulinade est la déclaration d’un prêtre qui dit notamment ceci, attention, lisez bien :

« J’ai accepté de célébrer la messe selon le rite extraordinaire (préconciliaire), une fois par mois. Je suis le seul dans le diocèse de Versailles. Les fidèles traditionalistes ont saisi la main que je leur tendais. Ils sont très heureux de se sentir reconnus dans la paroisse. Cependant j’ai refusé de célébrer toutes les semaines car cela ferait une fracture trop grande dans la vie paroissiale. »

Je ne veux aucun mal à ce malheureux prêtre, il est peut-être trompé voire contraint par quelque impérieuse commission diocésaine. Je ne donnerai donc pas son nom. Par discrétion, nous l’appellerons ici l’abbé Sainte-Nitouche.

puce_carreQue veut-il dire exactement quand il se prétend « le seul dans le diocèse de Versailles » ? Le seul prêtre dans le diocèse à célébrer la messe traditionnelle ? Ce serait une affirmation délirante. Il ne précise pas ce qu’il entend par là. Peut-être le seul à célébrer une fois par mois seulement, ce qui est en soi d’une méchanceté extraordinaire. Mais peut-être cet abbé Sainte-Nitouche a-t-il l’excuse personnelle de croire, comme beaucoup de ses confrères, qu’un « catholique pratiquant » est celui qui assiste à la messe une fois par mois. Alors il ne s’en est pas rendu compte : mais sa main tendue est à la fois un piège et une persécution.

puce_carreOn lui a demandé la messe traditionnelle. Il a refusé, il le dit effrontément. Il n’en avait pas le droit. La procédure en l’occurrence a été fixée par le motu proprio du 07.07.07. Les demandes doivent être adressées au curé de la paroisse : celui-ci n’a aucunement le droit de les refuser. Il a le devoir de les accueillir et la charge d’organiser les conditions matérielles et les horaires : ce qui ne l’autorise nullement à en couper en quatre la célébration dominicale.

puce_carreCe pauvre abbé Sainte-Nitouche semble parfois un peu moins sainte nitouche que mon interprétation bienveillante s’efforce de le croire. Le prétexte qu’il invoque pour « refuser » est un terrible aveu. Il craint que la « fracture » soit trop grande. Cela veut donc inévitablement dire que sa messe en français, il la célèbre dans un esprit de « fracture » : de fracture avec ce qu’il appelle la messe « préconciliaire ». Ce préconciliaire est d’ailleurs une tromperie supplémentaire : la messe tridentine fut en effet la seule célébrée dans l’Eglise latine durant toute la durée du Concile et encore quatre années après sa clôture !

puce_carreQue La Croix ait osé publier telle quelle la déclaration de l’abbé Sainte-Nitouche donnerait à penser qu’il y a quelque chose qui ne va vraiment pas, concernant la messe, dans le diocèse de Versailles. Justement l’association Paix liturgique (cf. sa Lettre de Paix liturgique, 1 allée du Bois Gougenot, 78290 Croissy-sur-Seine) a réalisé dans ce diocèse, du 30 novembre au 8 décembre 2009, un sondage dont il ressort qu’un tiers au moins des « messalisants » assisteraient tous les dimanches à la messe traditionnelle si elle était normalement célébrée dans leur paroisse, ce qui manifeste un louable et nécessaire attachement à la vie paroissiale ayant heureusement survécu aux brimades et humiliations qu’il leur faut y endurer.

puce_carreNous ne voulons rien retrancher au respect dû à chaque prêtre en raison de son ordination. Mais nous ne sommes pas tenus non plus à une aveugle servitude. Tout un clergé français, depuis quarante ans, a fait subir au peuple chrétien l’oppression d’une injuste interdiction de la messe traditionnelle. Benoît XVI nous a libérés de cette odieuse servitude en attestant que cette messe n’avait jamais été valablement interdite. L’abus de pouvoir a été énorme et cruel. La plus grande partie de nos prêtres et de leur hiérarchie en ont été eux-mêmes victimes ou bien complices. Victimes, ils auraient pu nous exprimer leurs regrets. Complices, ils auraient dû nous présenter leurs excuses. Ils ne l’ont pas fait. Nous pouvons comprendre leur embarras, leur déception, leur humiliation profonde. Nous ne demandons qu’à leur pardonner. Mais qu’ils veuillent continuer à nous opprimer, et par la même tromperie, alors non ! Halte-là !

JEAN MADIRAN

 

Article extrait du n° 7015 de Présent du Vendredi 22 janvier 2010

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30 décembre 2009 3 30 /12 /décembre /2009 09:27
• Bilan dans La Croix. Non pas de l’année qui s’achève, mais du désastre catholique, sur quarante ans, de 1965 (fin du Concile) à 2005 (élection de Benoît XVI). C’est le désastre des « messalisants », c’est-à-dire des catholiques allant chaque dimanche à la messe. En 1965, ils étaient 27 % de la population française. Ils ne sont plus que 4,5 % en 2005.

Ce bilan catastrophique se fonde sur une comparaison, aux diverses époques, de sondages d’opinion. Les sondages ne sont pas une science exacte. Mais ils ne peuvent pas inventer une chute de 27 à 4,5. La France est aujourd’hui, selon La Croix (et l’Ifop), « le pays catholique où la pratique dominicale est la plus basse ».

• Cette chute verticale de l’assistance à la messe est d’environ 12 % sous le pontificat de Paul VI et 11 % sous celui de Jean-Paul II. Puisqu’il s’agit de la messe, il est inévitable d’observer qu’un tel désastre est contemporain de l’interdiction de la messe traditionnelle par l’obligation d’une messe nouvelle en français.

On invoquera d’autres causes au désastre. Mais la messe en français reste la principale cause prochaine. Il faut se souvenir des raisons de l’institution d’une messe nouvelle, telles qu’elles ont été énoncées par Paul VI. Il s’agissait de sacrifier le latin et les magnifiques vêtements de la liturgie traditionnelle, dont il ne niait pas l’éclat merveilleux, mais qui étaient selon lui un obstacle à la participation des masses populaires, des journalistes et des hommes d’affaires. La nouvelle messe était donc explicitement imposée pour remplir les églises. Elle les a vidées.

• Isabelle de Gaulmyn, qui présente et commente ces chiffres terribles dans La Croix, s’en montre modérément atterrée. Elle a cru bon d’aller en demander l’explication à un « historien à l’Ecole pratique des hautes études ». On l’a connue moins mal inspirée. Ce personnage se nomme Denis Pelletier, et il a donné l’époustouflante consultation que voici :

« La courbe plonge à partir des années 1970, au moment où, après l’audace post-conciliaire des débuts, l’Eglise revenait à des positions plus classiques. »

Les années 1970 sont au contraire celles où bat son plein la plus spectaculaire et la plus scandaleuse « audace post-conciliaire », la suppression de la messe traditionnelle, abusivement remplacée par la messe en français, bavarde et démago.

Isabelle de Gaulmyn s’appuie sur la sentence paradoxale de l’historien Pelletier pour accentuer le paradoxe :

« La courbe historique [du désastre] montre en tout cas que l’on ne peut attribuer, comme certains l’ont fait, ce décrochage à Vatican II. »

Ah, bon, l’essentiel est sauvé.

• A la page suivante du même numéro de La Croix (29 décembre), Frédéric Mounier, qui a remplacé à Rome Isabelle de Gaulmyn, nous rapporte un propos bien consolant du cardinal Poupard :

« Il faut se souvenir de l’homélie de Paul VI lors de l’ouverture de son pontificat. Pour lui, avant de parler, l’Eglise devait se faire écoute. Ce fut le thème de sa première encyclique. De même (…), il n’a pas condamné la jeunesse en ébullition. Il s’est interrogé : – Saurons-nous les comprendre ? »

Que le Cardinal se rassure. On s’en est beaucoup souvenu. La hiérarchie ecclésiastique, sauf Benoît XVI et quatre ou cinq évêques, écoute d’abord, écoute avant tout, écoute énormément les « tendances actuelles ». Si bien que ce n’est plus guère : « Allez enseigner toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » (Mt 28, 19). Ce n’est plus guère ; « Allez dans le monde entier, proclamer l’Evangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé ; celui qui ne croira pas sera condamné » (Mc 16,15-16). C’est plutôt : Allez écouter ce qu’on dit dans le monde, comprenez leurs désirs, accompagnez leurs problèmes…

Alors, qu’on ne s’étonne pas : même les chiffres se mettent à hurler.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 7000 de PRESENT du Jeudi 31 décembre 2009
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3 décembre 2009 4 03 /12 /décembre /2009 09:33
Tel est le titre de l’ouvrage que Guillaume de Thieulloy publie aux Editions Téqui. Ne connaissant pas ce jeune auteur autrement que par ce livre passionnant, je l’imagine sympathique, visiblement doué pour la discussion sérieuse et pour la clarté des idées, catholique militant, d’esprit plutôt traditionnel, dont la réflexion philosophique se recommande de Maritain et de Journet, c’est un parrainage d’un bon niveau même s’il est par moments discutable, notamment en politique.

Même théologique, une politique se traduit en « engagements » concrets comme ne manque pas de l’indiquer notre auteur. Le livre retient surtout l’engagement Journet-Maritain « contre les deux totalitarismes », le fascisme et le communisme (Journet en ajoutant volontiers un troisième, le totalitarisme du « libéralisme » anglo-saxon). Toutefois ce refus des deux totalitarismes est théorique, il est dans les principes et dans l’intention, mais en fait, Journet et Maritain ont accepté, contre le totalitarisme fasciste, de se trouver dans le même camp que le totalitarisme communiste, tandis qu’ils ont toujours su éviter fût-ce la moindre apparence d’être avec les fascistes dans le camp anti-communiste. D’où quelques jugements injustes, notamment une condamnation en termes étonnements vifs de la reconnaissance de Franco par Pie XI (p. 53) et la critique de la politique italienne de Pie XII jugée trop anti-communiste (p. 59). C’est en somme le « politiquement correct », aisément reconnaissable même sous sa version démocrate-chrétienne, qu’expose mais aussi que fait sien Guillaume de Thieulloy.

Maurras, à maintes reprises dans cet ouvrage, n’échappe pas aux sévérités du « politiquement correct ». Page 41 nous apprenons que sa pensée était « un pur naturalisme », ce qui est assez étrange chez un zélateur de Jeanne d’Arc, chez un admirateur de l’Eglise, qui en outre a chanté en prose et en vers la gloire de la Sainte-Vierge :

Dites-nous : la Vierge Marie / Ne règne plus dans votre ciel / Et votre terre défleurie / Désert de cendres et de sel/Ne mène plus l’ogive en flamme / S’ouvrir aux pieds de Notre Dame / Jurer l’amour entre ses mains / Et lui chanter : — O belle, ô claire / Dans la maison d’un même Père / Abritez nos cœurs pèlerins !

Il y a semble-t-il sur Guillaume de Thieulloy l’ombre fantasmagorique d’un défaut majeur d’information exacte sur ce second tiers du XXe siècle dont nous sommes héritiers. Je le suppose victime, entre autres, des bibliographies universitaires : les ouvrages contre-révolutionnaires en ont été généralement exclus à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il est fantastique de présenter comme « un fait inouï dans l’histoire de l’Eglise » le soutien pontifical de « ce qui était tout de même un coup d’Etat » (sic) de la part du général Franco. Il est tristement décisif de tenir pour « la meilleure synthèse historique » le « remarquable ouvrage de Jacques Prévotat Les catholiques et l’Action française ». Ce Prévotat, avec ses 742 grandes pages de typographie serrée, peut bien être un champion au nombre de signes et au poids du papier mais, pour le dire avec une expression claudélienne, il appartient à la catégorie de « ces hommes que qualifie leur seule érudition », et son parti-pris hostile est plusieurs fois aux limites de l’honnêteté intellectuelle (cf. Présent du 21 avril 2001 ; et Yves Chiron dans le numéro 12 de son Bulletin Charles Maurras et dans Présent du 25 décembre 2004).

Abstraction faite de cet handicap, le livre de Guillaume de Thieulloy, avec une belle indépendance d’esprit, montre des lacunes dans l’argumentation de Journet et surtout de Maritain au sujet des notions de « démocratie » et d’« ordre public juste » ; il cerne les incertitudes concernant le degré d’autorité et l’exacte portée de la déclaration conciliaire sur la liberté religieuse ; avec une réelle acribie, il pointe surtout chez Maritain des changements de position non expliqués et même pas signalés : cette remarque est d’époque et vaudrait pareillement pour le langage pastoral de l’Eglise concernant par exemple la socialisation, les droits de l’homme, la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Il y a aussi cette fameuse maxime, approuvée par Guillaume de Thieulloy, selon laquelle, indépendamment de toute coercition et de toute autorité « la vérité ne s’impose que par la force de la vérité elle-même » (p. 126 et 160). Cela est peut-être vrai, en certains cas, pour les adultes. Mais que devient alors le baptême des enfants, qui est pourtant la voie décisive par laquelle la vérité de la foi est imposée dans la grande majorité des cas ?

JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 6979 de Présent, du Mardi 1er décembre 2009

Guillaume de Thieulloy sera l'invité du Forum Catholique, dans le cadre des Rendez-vous du FC, le lundi 11 janvier 2010, de 18h30 à 22h. 36 ans, quatre enfants, il est écrivain (Le Chevalier de l'absolu, Gallimard 2005 et Antihumanisme intégral ? Téqui 2006) Prix Raymond Aron 2002, Docteur en sciences politiques, ingénieur en agro-alimentaires, DESS d'administration des entreprises et maître de conférences à Sciences Po, chargé de cours à l'Institut catholique de Paris. Il est l'animateur du blog www.osservatore-vaticano.org.
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13 novembre 2009 5 13 /11 /novembre /2009 09:38
Des omissions obstinées dans la messe en français


L’année liturgique commence avec le premier dimanche de l’Avent, qui tombe cette fois le 29 novembre. Notre épiscopat édite, pour sa messe en français, un Missel des dimanches qui change chaque année : puisque le monde change, la liturgie doit changer elle aussi, ainsi l’a voulu, paraît-il, « le Concile » (Vatican II).

Ce qui pourtant ne change pas, c’est qu’il s’agit toujours d’un missel devenu apatride, malgré les protestations qu’il provoque depuis des années. La France est privée de ses saintes patronnes, comme si déjà elle n’existait plus, anéantie par l’évolution mondialiste.

A l’intention des catholiques pratiquants qui risquent désormais de l’ignorer si, depuis trente-six ans, ils vont chaque dimanche à la messe en français et y amènent leurs enfants, rappelons ici que la France a dans le Ciel trois saintes patronnes, qui lui ont été très officiellement attribuées par la Papauté. Il y a d’abord la « patronne principale », qui est Notre-Dame de l’Assomption et dont la fête est le 15 août. Et deux « patronnes secondaires » : sainte Jeanne d’Arc, solennité le second dimanche de mai, et sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face, fêtée le 1er octobre par la messe en français (mais le 3 octobre par la messe traditionnelle). La solennité de Jeanne d’Arc a été la première abandonnée par l’épiscopat. Les autres ont suivi, il n’a même pas respecté la relation privilégiée de la Sainte Vierge avec les Français.

Pourquoi ces suppressions ? On pense d’abord qu’il pourrait s’agir d’un scrupule rationaliste devant l’idée audacieuse que les saints du Ciel puissent exercer un « patronage » sur nos activités terrestres. Cette idée relèverait d’un passé périmé, tributaire d’un contexte culturel hideusement médiéval.

Mais cette explication par un simple silence n’est pas tenable. Elle a contre elle le témoignage de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus : la messe en français lui reconnaît le titre de « patronne des missions ». C’est seulement son patronage français qui a été retranché.

On imagine alors que le titre de patronne « des missions » a été maintenu parce qu’il s’agit d’un patronage religieux, tandis que le patronage de la nation française serait de nature trop politique. Explication insoutenable elle aussi, puisque si la France a perdu ses patronnes, « l’Europe » au contraire en a été comblée. La messe en français célèbre le 23 juillet « sainte Brigitte, patronne de l’Europe » ; elle célèbre le 9 août « sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, patronne de l’Europe », et elle n’oublie pas de fêter le 11 juillet « saint Benoit, patron de l’Europe » (que la messe traditionnelle fête le 21 mars).

Peut-être ne s’agit-il pas forcément d’une volonté délibérée de rendre rigoureusement apatride le missel de la messe en français. Une autre hypothèse explicative est possible. Il faudrait comprendre que l’épiscopat français respecte les décisions pontificales dans tous les cas où la France n’est pas directement concernée mais, par une déviation nationaliste inattendue, veut réputer nul et non avenu ce qui est décidé par le Pape pour la France sans le consentement préalable de la collégialité épiscopale française. Comme pour le catéchisme.

Quelles que soient les intentions, il y a les résultats, et les responsables de ces résultats. La « nouvelle gouvernance de l’Eglise de France », comme dit La Croix, est représentée en l’occurrence par Mgr Le Gall, « président de la Commission épiscopale pour la liturgie ». C’est lui qui donne chaque année l’imprimatur au Missel des dimanches. Lisez bien : Mgr Robert Le Gall (avec deux l), archevêque de Toulouse, à ne pas confondre avec Mgr Patrick Le Gal (avec un seul l). Si le missel en français est devenu apatride, il n’est pas anonyme. « Les auteurs » sont mentionnés en page 2 : un dominicain, un bénédictin, un curé de paroisse, un diacre et six laïcs, et par-dessus tous ceux-là, Mgr Le Gall qui les cautionne au nom de l’épiscopat. Il faudra bien que ces responsables en viennent un jour ou l’autre à faire connaître les raisons de tant d’anomalie.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 6967 de Présent du Vendredi 13 novembre 2009
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10 août 2009 1 10 /08 /août /2009 15:10

Après la clôture du Concile, il a fallu attendre plus de quarante ans pour qu’il soit officiellement admis en principe qu’il existe un problème, que ce problème est doctrinal, et qu’il faut qu’on en parle. Le débat a même été, d’avance, institutionnalisé : il aura lieu entre les évêques de la FSSPX et le Saint-Siège.

Le problème est dans l’existence persistante d’objections à ce qui est issu du Concile. Les avis sont partagés dans chaque cas sur le point de savoir si les anomalies issues de Vatican II proviennent d’une mauvaise interprétation (et application) des textes conciliaires, ou bien de certains de ces textes eux-mêmes. Ce débat-là n’est pas sans intérêt, mais il est secondaire, croyons-nous, à côté des réalités issues, à tort ou à raison, mais bien issues en fait du Concile. Elles marquent profondément la vie de l’Eglise, et sa crise, depuis presque un demi-siècle.

Exemple. La nouvelle messe est issue du Concile. A tort ou à raison : mais quoi qu’il en soit, l’essentiel est d’examiner les objections doctrinales qu’elle soulève en elle-même.

On trouvera la clef de la situation actuelle dans le livre de Louis Salleron : La nouvelle messe (NEL 1970, seconde édition augmentée : 1976). Ce n’est pas un livre de la FSSPX. Mais c’est le livre que, lors de son interrogatoire à Rome, le 11 janvier 1979, Mgr Lefebvre déposa entre les mains des cardinaux inquisiteurs, comme réponse décisive à la question qui lui demandait ses raisons de refuser la messe de Paul VI. Dans ce livre comme dans La querelle de la nouvelle messe (DMM 1973), Louis Salleron affirma clairement : « Il est impossible d’isoler le problème de la messe de tous les autres problèmes. » C’est pourquoi l’on y trouve l’essentiel des objections doctrinales que l’on peut faire au Concile et à ce qui en est issu.

Pendant une quarantaine d’années les évêques français, d’un air finaud, ont assuré qu’ils voyaient bien que derrière l’affaire de la messe les traditionalistes cachaient une opposition doctrinale à Vatican II. Le livre de Salleron prouve que, dès le début, c’est le Concile qui était mis en cause, très ouvertement, très visiblement. D’ailleurs, trois ans avant la nouvelle messe, en 1966 déjà, les évêques français avaient condamné la revue Itinéraires pour son opposition à « l’esprit du renouveau entrepris », autrement dit : « l’esprit du Concile ».

Contrairement à ce que l’on a pu trop hâtivement supposer, le problème de la messe, où se rejoignent pour l’essentiel les autres problèmes conciliaires, n’est toujours pas réglé. La nouvelle messe, évolutive et incertaine, est toujours installée en priorité, voire en exclusivité, dans la plupart des diocèses, toujours présentée comme la plus belle réussite de l’esprit du Concile. L’immense et courageux bienfait de Benoît XVI a été de rejeter l’interdiction de la messe traditionnelle, – interdiction qui avait été arbitrairement confirmée par Paul VI au nom explicitement invoqué de l’« autorité suprême qui [lui] vient du Christ Jésus » (24 mai 1976). Il y a là matière à de pertinentes études théologiques qui, semble-t-il, n’ont pas encore vu le jour ; mais qui sont inévitables.

La question qui se pose maintenant n’est pas de formuler les objections doctrinales rencontrées par le Concile et son application. La question est de sortir du refus de débattre qui a été opposé depuis le début aux objections formulées. Celles bien sûr de Mgr Lefebvre et de la FSSPX. Chronologiquement, celles tout d’abord de l’abbé Georges de Nantes. Puis celles qui ont leur énoncé global dans La nouvelle messe de Louis Salleron, qui met en cause « l’idée qui préside à tous les changements actuels » : l’idée de l’évolution. C’est-à-dire d’un évolutionnisme révolutionnaire, plus ou moins consciemment marqué par un souffle de dialectique marxiste. Le catholicisme chassé du temporel à l’issue de la Seconde Guerre mondiale (plus aucun grand Etat qui soit catholique), le clergé et sa hiérarchie se trouvent alors exposés à toutes les contagions.

JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 6898 de Présent, du Vendredi 7 août 2009

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24 juillet 2009 5 24 /07 /juillet /2009 13:34
Le bien commun mondial


Dans la mise en place urgente d’une « véritable autorité politique mondiale » réclamée par Caritas in veritate (§ 67), il s’agit bien d’une autorité et non pas d’un gouvernement. D’un coup d‘œil très sûr, Yves Daoudal a tout de suite mis en garde contre une confusion entre ces deux notions : « Nous connaissons pourtant la différence, avec toutes les “hautes autorités” inventées ces dernières années par notre gouvernement. » Jean-Paul II avait prévenu : « Il est important d‘éviter tout malentendu : il n’est pas question de constituer un super-Etat mondial. »

Alors, dira-t-on, il est question de quoi ?

Pour comprendre ce qui est en question, il faut d’abord se rappeler qu’il existe en doctrine trois sociétés « naturelles et nécessaires » : la famille, l’Etat, la société des Etats.

La suite de cet article de Jean Madiran est en accès libre ici directement sur le site de PRESENT.
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11 octobre 2008 6 11 /10 /octobre /2008 13:07

Fondateur d’une revue, Itinéraires (1956-1996) et d’un quotidien, Présent (1982), Jean Madiran, tout au long de sa carrière d’écrivain, a consacré beaucoup de son temps, de ses forces et de son talent au journalisme. Fort de cette longue expérience sur le terrain, il se livre dans son dernier ouvrage (1) à une réflexion approfondie sur le déclin de la presse écrite qui, particulièrement en France, va de mal en pis… Notamment la presse quotidienne, quasiment exsangue.

Jean Madiran a depuis longtemps identifié le germe de cette tumeur maligne qui ronge la presse écrite et a décimé tant de journaux. Une sorte de cancer intérieur qui a développé ses métastases mortifères durant plus d’un siècle. Depuis en fait 1836, année où Emile de Girardin (2), considéré comme « le précurseur de la presse moderne », imagina d’avoir recours à la publicité pour pouvoir vendre son journal à très bas prix. « C’est-à-dire, pour augmenter la diffusion, abaisser le prix de vente du journal et faire payer le manque à gagner par d’autres personnes que les lecteurs : par les annonceurs publicitaires. Cette innovation a mis plus d’un siècle à développer jusqu’au bout son effet pervers. Peu à peu la part de la publicité a augmenté, l’influence des publicitaires sur les journaux pareillement. Leur argent est devenu le maître. » Au terme de cette logique on aboutit d’ailleurs à la presse totalement gratuite.

C’est l’évolution de ce phénomène destructeur que radioscopie Jean Madiran. Il nous indique aussi quelques remèdes douloureux susceptibles d’enrayer ce cancer généralisé. Mais il est bien tard. Les quotidiens « généralistes » survivants sont non seulement aujourd’hui sous perfusions publicitaires mais aussi sous injections toujours plus fortes de crédits bancaires, cautionnés par de grands groupes financiers, à la recherche non plus de bénéfices qu’ils savent bien ne plus pouvoir réaliser, mais d’influence.

Je me souviens avoir lu récemment qu’un grand groupe industriel avait versé à la presse écrite, pour une campagne publicitaire, un budget dépassant les dix millions d’euros. L’importance de telles sommes explique la dépendance économique des médias à l’égard des annonceurs. A noter également que dans la profession des attachés de presse, l’expression utilisée pour désigner un média n’est plus comme avant « organe de presse » mais « support ». Ce qui sous-entend « support publicitaire ». Une évolution du vocabulaire très significative. De même que dans la grosse presse, notamment les magazines, il est courant que des réunions de rédaction se passent à supputer les réactions éventuelles des annonceurs au contenu de tel ou tel article. Tout cela caractérise très bien la mainmise de la publicité et des « investisseurs financiers » sur les médias.

Le rétablissement du délit d’opinion

Mais, dans son enquête, l’auteur examine également une autre cause de l’asservissement dont la presse est victime : les lois qui, en France, musèlent de plus en plus férocement la liberté d’expression. La loi de 1881, sur la liberté de la presse, nous explique Jean Madiran, « a été, sans changer de nom, transformée sous la Ve République en loi contre la liberté de la presse par les amendements successifs que lui apportèrent la loi Pleven de 1972, la loi Gayssot de 1990 et la suite jusqu’à 2004 et la création de la Halde. (…) La loi Pleven du 1er juillet 1972, la loi Gayssot du 13 juillet 1990 et deux lois laïques de 2004 ont établi, perfectionné, renforcé un triple interdit ». Une extension continue et subreptice de la censure, qui fait qu’aujourd’hui, en France :

« 1.– Il n’est plus permis de parler de l’immigration-invasion qu’à la condition d’écarter toute distinction de nationalité, déclarée discriminatoire : distinguer entre Français et étrangers n’est plus une opinion, c’est un délit, c’est le délit de xénophobie.

« 2 – Il n’est plus permis de réclamer la mise en œuvre de la préférence nationale appliquée pourtant d’un bout à l’autre du monde par la plupart des Etats : ce n’est plus une opinion, c’est un délit, le délit de racisme.

«  3. – Il n’est plus permis de défendre l’institution du mariage comme étant exclusivement entre un homme et une femme : ce n’est plus une opinion, c’est un délit, le délit d’homophonie.  »

A noter que sur ce sujet certaines prises de position de la candidate républicaine à la vice-présidence des Etats-Unis Sarah Palin tomberait tout simplement en France sous le coup de la loi.

Cet arsenal liberticide comporte les armes absolues que sont l’accusation « d’apologie de crime contre l’humanité » et de « contestation de crime contre l’humanité ». Deux pistolets désintégrateurs dont le rayon d’action est de plus en plus étendu.

La droite était contre. Mais elle ne s’en souvient plus…

Lorsque la loi du communiste Gayssot « fut votée en juillet 1990 par la majorité alors socialo-communiste de l’Assemblée nationale, la droite minoritaire protesta violemment (…). Les députés de la droite parlementaire jurèrent solennellement d’abolir, dès qu’ils reviendraient au pouvoir, cette loi qu’ils déclaraient immonde. Revenus au pouvoir, ils n’en ont plus parlé ». Certains lobbies régnant en France dans les coulisses du pouvoir – dont un en particulier, que les muselières évoquées ci-dessus m’interdisent de nommer – s’y seraient de toute façon opposés. D’ailleurs, de façon générale, la droite courbe ne revient jamais sur les lois instaurées par la gauche. Sinon, parfois, pour les aggraver.

Sous la menace d’une censure politique permanente jamais nommée comme telle, ce qui a pour conséquences de maintenir les éventuels « délinquants » dans le doute et l’incertitude juridique, beaucoup de journalistes préfèrent aujourd’hui éviter les sujets trop brûlants. Des domaines sur lesquels ils peuvent d’autant plus se faire piéger qu’ils ignorent le plus souvent l’emplacement et la nature des pièges. Plus les journalistes demeurent ainsi dans le flou, à la merci de l’arbitraire, plus évidemment ils deviennent prudents. Un procès, en cas de condamnation, peut coûter très cher. Surtout pour la presse artisanale. Quel rédacteur voudrait prendre le risque de couler son entreprise ? Dans de telles conditions, l’argent s’avère encore la meilleure des censures : celle qui engendre l’autocensure…

Comme le dit si bien Robert Ménard

En 2003, le fondateur de Reporters sans frontières, Robert Ménard (3), cosignait avec Emmanuelle Duverger un livre courageux, La Censure des bien-pensants (aux éditions Albin Michel), dans lequel il écrivait, à propos du racisme : « Qu’on soit intransigeant avec les actes racistes, personne ne le conteste. Qu’on criminalise l’expression de propos racistes, xénophobes ou antisémites est une autre affaire. »

Voilà bien le cœur du problème. C’est une chose, et parfois une nécessité, de condamner certaines idées, de les contredire et de les combattre, mais loyalement, par la parole ou l’écrit, arguments à l’appui. Ce qui était le cas dans la tradition de la presse française d’avant-guerre. C’en est une autre de les criminaliser. Or, c’est bien ce processus scélérat qui s’est déroulé en France sous la Ve République. Surtout depuis la funeste loi Pleven de 1972, pierre angulaire de ce processus infâme. Avec la brutale accélération de la loi stalinienne de 1990, ce n’est plus seulement le soi-disant racisme que l’on a outrageusement criminalisé, mais toutes une série d’idées portant sur le négationnisme, l’immigration, le colonialisme, l’homophobie, la revendication d’une identité ethnique ou nationale, voire religieuse. Sans parler bien sûr des idées qui ne tombent pas encore directement sous le coup de la loi, mais, la diabolisation aidant, excluent en France leurs auteurs des débats publics. Se déclarer, par exemple, nationaliste ou partisan de la peine de mort. Ou reconnaître quelques mérites à la colonisation. Les autres participants, s’ils ne s’étouffent pas d’indignation, s’ils ne couvrent pas l’hérétique d’injures, se lèvent et s’en vont. On ne discute pas avec ceux qui ont de telles options… Si la justice ne les pas encore « criminalisées », l’opinion médiatique, elle, l’a déjà fait.

Dans son Enquête sur… la maladie de presse, Jean Madiran précise : « L’extensibilité indéfinie de l’inculpation pour apologie du crime permet aux sentences de la “Chambre (de répression) de la presse” d’aller sans rougir jusqu’à déclarer coupable d’apologie toute tentative “d’instiller un doute” ou de s’exprimer “sous forme dubitative” : c’est vraiment prétendre scruter et juger des intentions supposées perverses. » Vos arrière-pensées, vraies ou supposées, peuvent ainsi vous valoir d’être mis en examen. Bien entendu, en contrechamp, le délit « d’apologie du communisme et de ses crimes n’est jamais poursuivi. On en est là ».

Pour comprendre les mécanismes cachés qui, justement, nous ont amenés « là », c’est-à-dire à cette situation où la pensée est finalement en France beaucoup plus captive que ne l’imagine une grande partie de l’opinion, le mieux est encore de lire le livre de Jean Madiran.

(1) Enquête sur… la maladie de la presse écrite, Editions Via Romana, 12 euros.

(2) Emile de Girardin (1806-1881). Publiciste et homme politique français, il créa les premiers journaux « généralistes » politiquement orientés accessibles au grand public, en abaissant leur prix grâce à la publicité. Ainsi qu’aux annonces. A la recherche de tout ce qui pouvait attirer et retenir le lecteur populaire, Emile de Girardin introduisit également dans la presse une innovation beaucoup plus positive, du moins sur le plan littéraire : le roman-feuilleton.

(3) Je n’étais franchement pas d’accord sur la façon, à mon avis puérilement et hystériquement manichéenne avec laquelle Reporters sans frontières, sous l’impulsion de son chef charismatique, a milité, au nom des droits de l’homme, contre les Jeux olympiques de Pékin, poussant l’activisme anarchique jusqu’à transformer le passage de la flamme à Paris en une détestable chienlit. Le plus coupable étant bien en l’occurrence l’Etat français, incapable, par confusion idéologique, de maintenir l’ordre dans les rues de la capitale. Une attitude dont a bien évidemment profité le gouvernement chinois au détriment de la diplomatie française. Piquée dans son amour-propre (une notion, il est vrai, que les pays occidentaux ne connaissent plus guère), l’immense majorité du peuple chinois, y compris la plupart de ceux qui souhaiteraient sortir du système capitalo-communiste, s’est alors rangée derrière ses dirigeants. Belle réussite et beau gâchis… Cela étant rappelé, je ne suis que plus à l’aise aujourd’hui pour saluer également en Robert Ménard l’un des deux auteurs de cette roborative et décapante Censure des bien-pensants.

JEAN COCHET

 

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8 octobre 2008 3 08 /10 /octobre /2008 11:59
La pub limitée à 5 % 

On commence à lire dans la presse démocratique d’amères vérités générales sur le journalisme et les journalistes en France, allant même jusqu‘à observer comment l’Etat républicain « exerce pour certains titres un véritable droit de vie ou de mort ». Les révélations de ce genre sont l’un des effets de ces « Etats généraux de la presse écrite » institués par le président Sarkozy et actuellement au travail pour plusieurs semaines (Présent du 4 octobre).

Une proposition très concrète, et même chiffrée. Sans doute nous ne manquons pas d’avoir nous aussi des idées générales sur la maladie de la presse écrite. Mais voici notre revendication pratique au sujet de ce que l’Etat peut faire pour commencer un traitement de la maladie : une disposition législative limitant à 5% des recettes la publicité dans la presse.

Les circonstances politiques y sont favorables : le président Sarkozy s’est révélé très hostile aux excès de la publicité commerciale. Il a entrepris d’en libérer progressivement la télévision d’Etat, c’est-à-dire l’ensemble des chaînes de France-Télévision. Or l’hypertrophie publicitaire est l’une des causes, la plus profonde et la plus décisive, de la maladie de la presse, comme cela ressort de l’Enquête sur la maladie de la presse écrite que viennent de publier les Editions Via Romana.

Grâce au volume exagéré de la publicité commerciale qu’elle accepte, la presse écrite vit dans l’anomalie dangereuse d‘être le seul produit au monde vendu moins cher que son prix de revient. La publicité y est telle qu’elle peut, quand elle le veut, distribuer des quotidiens entièrement gratuits. C’est un sortilège pervers, qui a développé toutes sortes de pathologies et de servitudes : et principalement une dépendance globale, imposant ses normes financières au contenu des journaux (qui pour cette raison en viennent de plus en plus à tous se ressembler).

Pourquoi 5% ? Parce qu’un journal peut résister à la domination des normes et exigences publicitaires en réduisant, s’il le faut, ses dépenses de 5%. Il ne le peut plus quand la publicité représente 30, 50, 80 (ou 100) pour cent de ses recettes et qu’ainsi elle lui est devenue vitalement indispensable. Bien sûr, une réduction à 5% des recettes ne peut être rendue obligatoire du jour au lendemain. La loi devrait imposer des étapes progressives, sur cinq, dix ou quinze ans, le temps que se mettent en place les transformations profondes qu’elle entraînera : la diminution du nombre de pages (qui s’est démesurément augmenté uniquement pour publier davantage de publicité) et un frein à cette surinformation illimitée qui détraque les esprits davantage qu’elle ne les instruit.

On ne peut ni ne désire supprimer totalement « la pub ». Elle a son utilité : elle fait connaître l’existence de produits et de services qui sans elle seraient mal connus ou ignorés. Mais il ne suffit pas d’avoir réglementé et de contrôler son honnêteté commerciale. Elle est malsaine par son hypertrophie, obsédante dans la vie comme dans la presse. Il appartient à l’Etat de lui imposer, comme aux journaux, une cure d’amaigrissement. Elle est l’une des féodalités financières dont l’excès de puissance est contraire au bien commun de la nation française. L’abaisser à un rang plus modeste serait une tâche politique parfaitement capétienne.

Tous les problèmes n’en seraient pas résolus. Mais cette simple mesure législative, à elle seule, entraînerait une lente et irrésistible transformation du journalisme, de la publicité, de la société elle-même. Il y a des réformes dont les conséquences se font sentir quels que soient le contexte historique, le régime politique, le mouvement des idées. L’introduction de la publicité dans la presse par Emile de Girardin date d’un siècle trois quarts, et pendant un siècle trois quarts elle a poussé de plus en plus fort et de plus en plus loin ses conséquences. La décision contraire de limiter la publicité à 5% des recettes d’un journal aurait de fortes chances d‘être aussi puissante, et aussi longuement.

JEAN MADIRAN  

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4 octobre 2008 6 04 /10 /octobre /2008 19:00

La révolution des clercs maintenue à distance

 

 

C’est sous le règne de Pie XII qu’a pris naissance la révolution religieuse des années soixante et suivantes, que la seconde moitié du XXe siècle a léguée au XXIe et qui n’est pas encore surmontée. Cette révolution, le P. Congar, futur cardinal, lui donna comme on sait l’appellation léniniste – et point fausse – de « révolution d’Octobre dans l’Eglise ». Mais Pie XII, jusqu‘à sa mort le 9 octobre 1958, lui avait barré la route.

La tentative impie de « modernisation » de la foi catholique avait commencé, en Hollande et en France, par une attaque en règle contre le petit catéchisme des trois connaissances nécessaires au salut.

En France, ce fut le « catéchisme progressif », dont la progressivité consistait à ralentir et retarder l’instruction religieuse des enfants. Il s’agissait ainsi de « faire progresser » un enseignement catéchétique supposé périmé, et pour cela de rejeter radicalement le catéchisme traditionnel. L‘épiscopat, en sous-main, favorisa une expérience aussi intéressante. Pie XII y mit le holà en 1957, l‘épiscopat se soumit en traînant les pieds. C’est alors que des familles avaient commencé à se grouper pour enseigner elles-mêmes le catéchisme à leurs enfants. Elles avaient raison, car dix ans plus tard l‘épiscopat, cette fois à visage découvert, imposait un « Fonds obligatoire » qui légalisait l’interdiction de tous les catéchismes antérieurs. Et depuis quarante ans l’Eglise de France vit toujours sous le régime diocésain d’absence obligatoire du petit catéchisme pour enfants baptisés.

Le coup d’arrêt porté par Pie XII à cette révolution confirma contre lui la suspicion de « l’aile marchante de l’Eglise ». D’ailleurs il s‘était prononcé contre les nouvelles théologies, Chenu, Congar, Lubac, Rahner etc. ; l’« aile marchante », comme on disait alors, lui fabriqua en conséquence une réputation de pape conservateur, rétrograde, immobiliste, qui est devenue un lieu commun bien installé dans la presse profane ou catholique.

Immobiliste ? Rétrograde ? Conservateur ? Quel paradoxe, quel mensonge, – quel monde clos du mensonge ! Pie XII est le pape qui a lancé le grand appel face au monde moderne : « C’est tout un monde qu’il faut refaire depuis les fondations ! » Depuis les fondations : quelle radicalité ! Qu’il faut refaire : quelle activité ! Tout un monde : quelle universalité !

Qui dit mieux ?

L’enseignement quotidien de Pie XII, spécialement sa doctrine sociale, venait expliquer, confirmer, illustrer le bien-fondé de l’entreprise immense à laquelle il conviait l’humanité entière : C’est tout un monde qu’il faut refaire depuis les fondations, il ajoutait : De sauvage, le rendre humain. Il s’est alors passé que la révolution d’Octobre dans l’Eglise a récusé le pontife mais conservé son mot d’ordre, en l’inversant toutefois, et il est devenu : C’est toute l’Eglise qu’il faut refaire depuis les fondations, et de sévère la rendre humaine. Et d’immuable la rendre changeante. Et de surnaturelle la rendre raisonnable. Et de contemplative la rendre agitée ; mondaine, quoi !

L’« extraordinaire richesse » de l’enseignement de Pie XII, Benoît XVI vient de la signaler à l’attention publique, ce n’est assurément pas sans raison.

JEAN MADIRAN

 

Article extrait du n° 6688 de Présent du Samedi 4 octobre 2008

La première partie de cet article peut se retrouver en cliquant ici.

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3 octobre 2008 5 03 /10 /octobre /2008 12:00

Pie XII est mort le 9 octobre 1958. Déjà Benoît XVI, dans une récente allocution (13 septembre) a salué l’approche de ce cinquantième anniversaire. Il a rendu justice à ce que Pie XII a fait pendant la guerre, discrètement mais souvent efficacement, « en faveur des juifs persécutés ». On connaît l’atroce calomnie à ce sujet, qui a tant brouillé et brouille toujours l’image de Pie XII à l’extérieur et même à l’intérieur de l’Eglise.

Mais Benoît XVI a dit aussi autre chose.

Le Souverain Pontife a profité de cette circonstance pour lui rendre un hommage beaucoup plus général : quand on aborde sans préjugé idéologique, a-t-il dit, la haute figure de Pie XII, on ne peut pas ne pas être frappé, ne pas être conquis par sa vie exemplaire et par « l’extraordinaire richesse de son enseignement ». Voilà un ton nouveau dans l’Eglise.

L’extraordinaire richesse de son enseignement a développé toute son ampleur dans les années 1945-1958. Or, depuis cinquante ans, les documents pontificaux n’en parlaient plus, comme si Pie XII n’avait jamais existé ; ou bien, pis encore, réduisaient explicitement sa doctrine sociale à une seule allocution, celle du 1er juin 1941 !

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et de la révolution par laquelle elle s’est terminée en France, les catholiques français se trouvaient dans une grande désorientation, d’autant plus que très naturellement ils avaient été quasiment tous, évêques en tête, au nombre des « quarante millions de pétainistes » des années 1940-1942. Dans ce désarroi, il se trouva un laïc, Jean Ousset, pour créer un mouvement s’appelant « La Cité catholique », avec sa revue Verbe, militant pour « la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ », préconisant des cercles d‘études ayant pour base solide « les documents pontificaux de Léon XIII à Pie XII », et pour objectif principal, comme il convient à de simples laïcs, « la doctrine sociale de l’Eglise », tellement ignorée alors dans la presse même catholique et jusque dans les séminaires. A partir de 1956 Marcel Clément y ajouta sa compétence inégalée et sa vénération personnelle pour la doctrine sociale de Pie XII. Celui-ci ayant en 1954 canonisé Pie X, le courant privilégiant son encyclique Pascendi contre le modernisme et sa lettre apostolique réfutant la démocratie-chrétienne de Marc Sangnier s’en trouva confirmé et renforcé.

Toute une génération de jeunes catholiques a dû ainsi aux « documents pontificaux » passionnément étudiés de n‘être pas désarçonnés ou emportés par les idéologies dominantes qui faisaient au même moment de singuliers ravages parmi le clergé, sa hiérarchie et les organisations d’« Action catholique ». Mais il a fallu très vite à cette génération s’apercevoir que plus elle ancrait ses certitudes vitales dans les documents pontificaux et plus elle sentait l‘épiscopat français s‘éloigner, manifester sa suspicion et finalement son hostilité.

La « doctrine sociale » de l’Eglise n’est pas une annexe facultative pour un catholique. Marcel Clément surtout, son Pie XII en main, montrait et démontrait à quel point elle est consubstantielle à l’ensemble de la doctrine religieuse. La plupart des coups portés à la foi proviennent aujourd’hui, disait Pie XII, d’erreurs sur l’homme, sur l’histoire, sur la société. Par suite, en sens inverse, l‘étude sérieuse de la doctrine sociale conduisait logiquement à contredire beaucoup d’idées proprement religieuses à la mode dans le monde profane et par contagion à l’intérieur de l’Eglise. Et par exemple, à contester non seulement la « non-résistance » intellectuelle au communisme, mais aussi le « catéchisme progressif » soutenu par les évêques. Ceux-ci supportaient mal une telle contradiction. Et ainsi commença une guerre faite dans l’Eglise à d’insolents contradicteurs, dénoncés désormais comme « intégristes ».

JEAN MADIRAN

 

Article extrait du n° 6687 de Présent du Vendredi 3 octobre 2008
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