Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 octobre 2008 3 01 /10 /octobre /2008 10:13

La presse écrite est malade. C'est un fait. Symptôme parmi d'autres, il suffit d'ouvrir « Le Figaro » dans sa nouvelle présentation pour mesurer comment le plus vieux titre de la presse quotidienne nationale est devenu semblable à ces journaux gratuits qui sont distribués comme les tracts d'autrefois, le matin devant chaque station du métro parisien.
Cette maladie ne vient pas du fait que les gens ne veulent plus lire, comme on le croirait après une analyse superficielle. Le mal est plus profond selon Jean Madiran, fondateur du quotidien « Présent ». « La plupart des journalistes professionnels se déclarent journaliste d'"information", leur métier consiste comme ils disent à "faire de l'info" et s'ils ont des convictions,ils prétendent ne les exprimer qu'en dehors de leur métier de journaliste. »
La crise de la presse écrite est donc avant tout une crise de l'opinion, elle provient de l'autodestruction de la liberté de pensée dans les sociétés occidentales, soumises à un arsenal répressif dont en France la simple évocation de la loi Gayssot suffit à évoquer l'efficacité.
« Avec ou sans poursuite, écrivains, hommes politiques, journalistes se trouvent incités à une autocensure qui, c'est observable, fait de plus en plus partie de leur déontologie. »
On nous dira que si les journalistes n'ont plus d'opinion, c'est signe qu'ils sont enfin devenus objectifs. Mais même cette objectivité est un leurre : « En réalité, tandis que la presse d'opinion est une presse qui dit son opinion, la presse d'information est une presse qui cache l'opinion de ceux qui la financent, mais l'insinue imperceptiblement. » Et quelle peut bien être l'opinion des financiers, sinon, encore et toujours, ce « politiquement correct » obligatoire hors duquel on ne saurait faire d'argent.
On a connu, avec l'efficacité que l'on sait en Allemagne et en Italie « l'économie dirigée » des régimes fascistes.Notre démocratie autoproclamée libérale vit sous le régime de l'opinion dirigée et personne ne crie au fascisme. Après la mort des grandes idéologies rivales qui ont si tristement illustré le XXe siècle, la soft-idéologie que l'on nous impose est sans doute la plus efficace de toutes. On retrouve avec plaisir le style si décanté,si percutant dans sa sobriété de Jean Madiran et sa capacité rare à viser toujours à l'essentiel. Cette petite Enquête sur la maladie de la presse écrite pourrait bien annoncer une enquête plus vaste sur la paralysie de l'opinion dans les pays développés et sur l'immense esclavage mental qui s'en trouvera induit mécaniquement. ■
Joël Prieur
Jean Madiran, Enquête sur la maladie de la presse écrite, éd. Via romana, 64 pp., 14 euros port compris.

Article paru dans le numéro 2378 de Minute daté du mercredi 1er octobre 2008, p.14

Partager cet article
Repost0
26 septembre 2008 5 26 /09 /septembre /2008 08:12

On n’a guère remarqué, semble-t-il, que Benoît XVI a dit aux évêques français :

« Le peuple chrétien doit vous considérer avec affection et respect. »

C’est bien normal, pensera-t-on.

Oui mais… ce n’est pas au peuple chrétien que Benoît XVI l’a dit.

C’est aux évêques. Cela dépend d’eux.

Benoît XVI le leur a glissé avec beaucoup de discrétion, mais aussi de netteté, entre une citation de saint Paul et une autre de saint Ignace d’Antioche, celle-ci affirmant que « tous ceux qui sont à Dieu et à Jésus-Christ, ceux-là sont avec l‘évêque », mais cela aussi adressé aux évêques, parce que cela relève d’abord de leur mission, « surnaturelle surtout », de créer les conditions nécessaires pour que le peuple chrétien puisse les considérer avec respect et affection.

Il y a donc des conditions nécessaires qui ne dépendent pas de nous, elles dépendent des évêques eux-mêmes. Naturellement, ils voudraient être aimés. Ne disons pas qu’ils ne font rien pour cela. On en voit plus d’un au contraire faire de grands efforts pour apparaître comme un chic type sympa, plein de simplicité et d’agrément dans la conversation, toujours prêt à l‘écoute, à l’accompagnement, au dialogue, vachement ouvert à la modernité et au progrès, toutes qualités individuelles supposées ou réelles, mais en tout cas complètement à côté de la plaque.

Pour ne pas remonter plus haut, ils ont fait l‘éloge du « grand mouvement » de Mai 68, dont l’idéologie et les acteurs sont encore très largement dominants dans la classe dirigeante (politique, audiovisuelle et religieuse) ; ils ont adhéré à ce « grand mouvement », ce fut, faut-il donc le rappeler, leur fameuse déclaration collective du 20 juin 1968, ils ont accueilli alors l’appel « à bâtir une société nouvelle », « d’autant plus, disaient-ils, que le Concile en avait pressenti l’exigence ». Ils ne savaient pas, ou peut-être ils ne savaient que trop bien, que ce grand mouvement était celui des « trois M » : Marx, Mao et Marcuse. Et depuis Mai 68, les organismes collectifs de l‘épiscopat ont sans cesse tenu à manifester plus ou moins ouvertement leur partialité temporelle toujours pour le même modernisme. Y compris pour la dialectique marxiste de la suicidaire « lutte contre toute espèce de discrimination ». Telle est la sorte de « conditions nécessaires » qu’ils ont créée dans le catholicisme français. Avec une stricte relégation sociologique, toujours en vigueur, infligée à ceux qui ne suivaient pas.

Si relégués que nous soyons, eh bien, à chaque messe partout, aux prières du canon, nous prions pour l‘évêque du lieu, et tels sont en tout cas le respect et l’affection que nous ne refusons jamais à sa fonction surnaturelle, même s’il nous rejette : affection, respect, vénération pour la succession apostolique sans laquelle les sacrements ne seraient plus valides et l’Eglise n’existerait plus. Cette vénération et cet amour vont à l‘être historique de l’Eglise, à sa continuité surnaturelle, à sa tradition, – à travers les péripéties, incertitudes et variations humaines : aucune d’entre elles, sans doute, n’est plus significative que celle que nous vivons en ces jours concernant le saint sacrifice de la messe.

En effet : non seulement nos évêques ont prétendu nous interdire la messe traditionnelle, non seulement leur missel du dimanche a osé enseigner pendant des années qu‘à la messe il y a seulement mémoire de l’unique sacrifice déjà accompli, mais encore ils n’ont pas clarifié la situation. La plupart d’entre eux semblent en être plus ou moins restés à la doctrine de l’article 7 première version et paraissent répugner à enseigner explicitement que chaque messe est le renouvellement non sanglant du sacrifice de la croix. Ils n’ont pas rectifié non plus leurs traductions contestées du Credo, du Pater et de leur Bible Bayard. Et ils s’arrangent pour pratiquement mutiler la liberté retrouvée de célébrer la messe traditionnelle sans aucune autorisation préalable. Alors, sans rien retirer à notre vénération pour la succession apostolique, et en écartant tout ce qui dans leurs individualités nous ferait hurler de rire ou d’indignation, la sorte d’affection que nous ne pouvons refuser à leurs personnes est une profonde et cordiale compassion.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 6682 de Présent du Vendredi 26 septembre 2008

Partager cet article
Repost0
20 septembre 2008 6 20 /09 /septembre /2008 08:11

Le directeur de La Nef Christophe Geffroy, ardent défenseur de la liturgie traditionnelle, vient de publier (aux éditions du Cerf, mais oui) un important ouvrage de trois cents pages, Benoît XVI et « la paix liturgique », qui fourmille de précieux renseignements historiques, d’idées intéressantes, de vues d’avenir. Il connaît la question à fond, ce qui est très rare. Toutefois il trouve « détestable » (p. 279) le cas de l’Institut du Bon Pasteur (IBP), et cela appelle examen.

L’IBP, fondé en 2006 par les abbés Philippe Laguérie, Guillaume de Tanoüarn et Christophe Héry, a été érigé canoniquement par le Saint-Siège, le 8 septembre de la même année, comme société de vie apostolique de droit pontifical bénéficiant de « l’usage exclusif de la liturgie grégorienne » pour la messe et pour tous les sacrements. Cet usage exclusif « crée une ambiguïté détestable » aux yeux de Christophe Geffroy, ce ne peut être selon lui qu’une « exception » qui « ne pourrait avoir qu’un temps », car il lui semble que les prêtres qui ont retrouvé (ou conservé) l’usage de la liturgie tridentine « ne devraient pas avoir peur de l’autre forme [du rite romain], y compris en la célébrant s’il y a nécessité », par exemple « pour répondre au besoin de paroisses vides de prêtres depuis trop longtemps ».

Et puis, argument d’autorité, « Benoît XVI a explicitement demandé que les prêtres célébrant avec l’ancien missel ne refusent pas de célébrer avec le nouveau », cela étant, on le suppose, écrit par Christophe Geffroy (p. 282) au courant de la plume : en effet le Pape, qui sait fort bien ce qu’il écrit, a écrit en réalité qu’il ne faut pas exclure « par principe » la célébration selon les nouveaux livres. Or ceux qui « excluent » le nouveau rite ne le font point « par principe ».

Refuser la messe montinienne par principe, ce serait la refuser comme invalide ou comme hérétique ; ce serait, pour reprendre une expression du P. Bonino cité par Christophe Geffroy, faire valoir contre elle des « raisons dogmatiques absolument dirimantes ». Ce n’est pas le cas. Les traditionalistes, et en particulier ceux de la FSSPX, reconnaissent volontiers à la messe de Paul VI, en principe, sa validité et sa non-hétérodoxie. Ils refusent de la célébrer pour des motifs circonstanciels qui n’en sont pas moins impérieux.

Pratiquement, la messe de Paul VI, pour le public, mais aussi pour les évêques, se reconnaît en effet au retournement de l’autel et du célébrant, à la suppression des agenouillements, à la communion dans la main, aux embrassades générales commandées par un : « Donnez-vous la paix. » (etc.) Aucune de ces fantaisies ne figure dans les « éditions typiques » de la nouvelle messe. Mais les évêques y tiennent tellement que, pour la plupart, ils y président depuis une quarantaine d’années, leur donnant presque l’autorité d’une coutume établie. Si bien que l’« ambiguïté détestable » réside en réalité dans ce que l’on désigne et ce qui se fait comme étant la messe de Paul VI. En sens inverse, d’ailleurs, Benoît XVI modifie ce qui se faisait sous ce nom, même à Rome ; il procède là, selon la jolie (et juste) expression de l’abbé de Cacqueray, à « une catéchèse en images et par l’exemple ».

Autre motif qui lui non plus n’est pas « dogmatique » mais circonstanciel (et néanmoins impérieux) : dans beaucoup de diocèses encore, le clergé séculier, évêque en tête, ou évêque consentant, utilise la messe de Paul VI comme arme par destination contre la libre célébration de la messe ancienne. C’est moins que jamais le moment d’apporter à cette agression l’apparence d’une caution traditionnelle.

L’auteur de ce Benoît XVI et « la paix liturgique » semble parfois aux prises avec la tentation d’accorder un égal honneur à l’une et l’autre messe. La montinienne, même bien arrangée et pomponnée, ne pourra effacer son insolent caractère originel de messe hâtivement « fabriquée » dans les quelques saisons d’une rupture révolutionnaire avec la messe transmise, confirmée, complétée siècle après siècle par la foi de l’Eglise. Il n’est pas exclu par principe qu’il y ait des dévotions et des liturgies modernes. La primauté d’honneur ne peut cependant pas être enlevée à la messe catholique traditionnelle, latine et grégorienne selon le missel romain.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 6678 de Présent, du Samedi 20 septembre 2008

Partager cet article
Repost0
13 septembre 2008 6 13 /09 /septembre /2008 10:22

Au cours de l’interview où il déclare « parler en tant que président de la Conférence des évêques » (c’est donc une déclaration officielle), interrogé sur Benoît XVI et le motu proprio du 07.07.07 « qui n’a pas été digéré en France », le cardinal Vingt-Trois a notamment répondu :

« Le signe le plus explicite sur le sujet va être le fait de concélébrer avec les évêques de France, en communion dans une même liturgie. »

Une concélébration avec le Souverain Pontife n’est pas un problème, ni une nouveauté montinienne : elle est traditionnelle. La nouveauté est d’attendre du Pape qu’il soit en communion avec les évêques.

Normalement, le Pape ne vient pas concélébrer avec les évêques, ce sont les évêques qui vont concélébrer avec le Pape.

L’Eglise nous a élevés et instruits dans un profond respect pour « les évêques en communion avec le Pape ». Nous nous y appliquons volontiers. Mais cela ne peut fonctionner à l’envers. Ce n’est point le Pape qui aurait obligation d‘être en communion avec les évêques. Aucune invention collégialiste artificiellement fagotée ne changera rien à cette réalité surnaturelle.

Nous aimons supposer que, de la part du président de la Conférence épiscopale, il s’agit simplement d’une sorte de lapsus ou d‘étourderie, et non pas d’une exigence ou d’un ultimatum. Toutefois on trouvera étrange que le président Vingt-Trois estime pouvoir fixer d’avance quel sera « le signe le plus explicite » que devrait nous apporter Benoît XVI.

Ne sous-estimons pas cependant les obstacles difficilement surmontables que le cardinal Vingt-Trois rencontre dans l’exercice de sa présidence et qui expliquent l’incertitude, l’embarras, l’approximation de ses propos. Sur les plus graves réalités de la foi, il n’y a pas, dans l‘épiscopat français, l’unité que la Conférence épiscopale voudrait (et devrait) représenter.

Je reviens à l’instant d’un diocèse (je ne le nommerai pas, car il n’est malheureusement pas le seul), – un diocèse où, au nom de l’Eglise catholique et de l‘évêque du lieu explicitement invoqués, on enseigne par voie écrite que les trois « temps forts » de la messe sont : « un enseignement, une méditation personnelle, un partage ». La messe serait donc une opération principalement subjective, centrée sur le culte de l’homme. Autrement dit, il s’agit toujours d’affirmer, sous une forme moins directement provocante, qu‘à la messe « il s’agit seulement de faire mémoire », selon la doctrine du « nouveau missel des dimanches » de l‘épiscopat en 1970 et en 1973. Il semble que l’on ait discrètement retiré cette formule, mais elle n’a jamais été rétractée. Elle correspond d’ailleurs au fameux article 7, première version, de la préface à la messe de Paul VI. Il y eut quelques évêques diocésains qui n‘étaient pas d’accord. Ils ne l’ont jamais dit en public. Et c’est pour cela qu’une grande partie du clergé continue à croire depuis une quarantaine d’années que la messe n’est pas un vrai sacrifice. Nous y reviendrons.

L’unité épiscopale est un faux-semblant quand elle n’est pas fondée sur une communion dans la vérité. La Bible Bayard, où l’on trouve l’affirmation mais aussi la négation de la divinité du Christ et de l’authenticité du témoignage évangélique, a paru avec l’approbation explicite de la Commission doctrinale du Conseil permanent de la Conférence épiscopale. Il s’est trouvé deux évêques français, pas trois, pour mettre en garde le clergé et les fidèles en disant publiquement : « Cette Bible n’est pas celle de l’Eglise, ce n’est pas une Bible chrétienne ! » Elle a néanmoins été diffusée dans l’univers francophone à des centaines de milliers d’exemplaires. L‘épiscopat n’a pas rétracté son approbation. Mais si l’on voit là quelque unité épiscopale, alors c’est dans le mensonge.

« En communion », dit le Président. Ce ne peut tout de même pas être en communion avec cette morale sans obligation ni sanction qu’enseigne l’archevêque de Rennes : « L’Eglise, claironne-t-il cette année, n’interdit rien à personne. » Ce ne peut être en communion avec la Bible Bayard, ni avec la catéchèse sans catéchisme de la plupart des diocèses français, ni avec une « eucharistie » qui ne veut plus être le saint sacrifice de la messe. Il n’y a pas de communion possible avec la coexistence artificielle du oui et du non. Dans cette situation spirituellement crucifiante, nous nous préparons à être attentifs à ce que le Pape vient nous apporter. Sans prétendre lui indiquer nous-même « le signe le plus explicite » que nous espérons de lui. De toute façon, il sera sans doute le plus inattendu.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 6673 de Présent, du Samedi 13 septembre 2008

Partager cet article
Repost0
12 septembre 2008 5 12 /09 /septembre /2008 14:00

On sait combien Jean Madiran a toujours été, dès Itinéraires bien sûr, mais plus encore avec Présent, quotidien singulièrement atypique dans un monde médiatique à la dérive, attentif aux aléas de la chose imprimée. Une interrogation essentielle pour ceux qui sont attachés à la liberté de la presse mais qui, souvent, passe par-dessus la tête du gros des lecteurs qui n’aiment guère qu’on leur parle « boutique ». En résumé : « Faites un journal et épargnez-nous les détails de l’arrière-cuisine… »

Pour étayer et actualiser sa réflexion, Jean Madiran part d’une interview de Jean-François Kahn en janvier 2008 : « Si nous étions dans une [vraie] économie de marché, il n’y aurait plus de quotidiens. » Et, de fait, il n’en reste guère si on veut bien se souvenir que le Répertoire général de la presse française de 1938 – il y a soixante-dix ans – recensait 25 quotidiens à diffusion nationale. Avec des diffusions de rêve : 2 millions d’exemplaires pour Paris-Soir, 1 600 000 pour Le Petit Parisien, 900 000 pour Le Journal… Quelle peau de chagrin depuis !

Précisons qu’il y eut naguère, à Paris, plusieurs dizaines de quotidiens dits « d’opinion ». Il ne reste plus que Présent, l’Humanité et la Croix (« Et ces deux-là tendent à être aussi, ou du moins à paraître, des journaux d‘“information” parce qu’ils sont eux-mêmes avides d’une publicité qui ne leur vient que parcimonieusement », écrit Jean Madiran).

« Publicité » : tout est dit. Et Jean Madiran consacre au sujet (« La publicité dans la presse ») un chapitre qui rappelle que, dans le jargon publicitaire en usage, les journaux ne sont pas désignés par les annonceurs comme des journaux mais comme des « supports publicitaires ».

Faire comprendre au public pourquoi la presse riche est serve et la presse libre pauvre. Tout est là. Lisez et faites lire ce vade mecum. Et vous en aimerez mieux Présent.

(Extraits de l’article d’Alain Sanders paru dans Présent du 22 août 2008.)

Article extrait du n° 6673 de Présent, du Samedi 13 septembre 2008
____________________________________________________
Pour commander les livres de Jean Madiran, on peut s'adresser directement à Via Romana, y compris pour les libraires (remise 30% pour les libraires).

— L'Accord de Metz - 15 €

Les Vingt-cinq ans de Présent - 15 €

Histoire de la messe interdite - 17 €

— La Trahison des commissaires - 15 €

Enquête sur la maladie de la presse écrite - 12 €

Partager cet article
Repost0
28 juillet 2008 1 28 /07 /juillet /2008 12:09

 « L’Eglise n’interdit rien à personne. Quand on éclaire le trottoir, on n’oblige pas à marcher dessus ! Donner de la lumière, ce n’est pas obliger à vivre d’une certaine manière. »  (Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, responsable du groupe de travail des évêques sur la bioéthique ; texte extrait de l’autre quotidien catholique, 25 juillet 2008.)

« L’Eglise n’interdit rien à personne. » Un archevêque ! Dans le journal officieusement officiel et officiellement officieux de l‘épiscopat français ! On reconnaît bien sûr à ce propos énorme / Un élève parfait de Monseigneur Gallorme. Vous savez bien : le Mgr Gallorme mis en scène par Michel de Jaeghere dans son Ite missa est (cf. Présent de vendredi dernier). Mgr d’Ornellas inaugure ainsi un gallormisme radical. Il était tenu pour un lustigérien docile et averti. Il s’affirme aujourd’hui comme un radical-gallormiste bon teint. Et il aura contribué sans retard à introduire dans le langage ecclésiastique courant le nom propre « Gallorme » et l’adjectif « gallorme » issus de la verve vengeresse de MDJ.

« L’Eglise n’interdit rien à personne. » Mais oui, Monsieur, Madame, mettez-vous au courant. Cela peut faire un quatrain : « Je puis vous dissiper vos craintes ridicules / Madame, et je sais l’art de lever les scrupules / L’Eglise n’interdit, savez-vous, jamais rien / Ayez avec l‘évêque un moment d’entretien. J’ai emprunté les deux premiers vers à l’acte IV (scène 5) que vous savez. Pour accueillir d’Ornellas, on lui chantera ce quatrain sur l’air de Tiens, voilà la quille ! qui était fort répandu au temps du service militaire. On l’intitulera : Tiens, v’la l’archevêque.

« L’Eglise n’interdit rien à personne. » Héritiers de Staline, approchez ! Successeurs de Mao, venez tous ! Libertins et libertaires, assassins et violeurs, escrocs et imposteurs, anarchistes et terroristes, homophiles et pédophiles, accourez, votre heure est enfin arrivée, liberté, égalité : l’Eglise n’interdit plus rien. Rien, à personne. Elle vous écoute. Elle vous éclaire. Elle vous accompagne. Elle a repris, mais en mieux, la vieille invention d’un philosophe de la fin du XIXe siècle : une « morale sans obligation ni sanction ». Désormais l’Eglise, vous dit-on, éclaire les trottoirs, c’est tout. Fidèle à « l’esprit du Concile », elle a remplacé la morale obscurantiste pré-conciliaire par une éthique résolument scientifique et moderne. Et même par une bioéthique. Elle participe par son « prophétisme » à la profonde « mutation anthropologique » qui est devenue le « point focal de réflexion » d’une originalité tout à fait spécifique. Episcopus dixit. Allez savoir, quand nous sommes plongés dans la « diffraction des savoirs » ! Et, en réalité, dans l’incertitude dogmatique, liturgique et morale.

« L’Eglise n’interdit rien à personne. » Le Ciel défend, c’est vrai, certains contentements / Mais on trouve avec lui des accommodements. Ce pauvre Décalogue tellement négatif, huit commandements sur dix sont des interdits. Le Décalogue n’est pas « à l‘écoute » : ce n’est jamais que la pédagogie de Dieu, nous autres évêques conciliaires et collégialistes nous avons changé tout cela. N’ayez pas le scrupule du Décalogue. Enfin votre scrupule est facile à détruire (acte IV). Puisque nous sommes dans les alexandrins, la sentence de l’archevêque gallorme en fait un inoubliable, avec la césure classique (et mnémotechnique) : L’Eglise n’interdit / jamais rien à personne.

« L’Eglise n’interdit rien à personne » ?

— Non, voyons ce n’est pas possible, ce n’est pas cela que l’archevêque a vraiment voulu dire. Il faut comprendre son intention, qui est d’avancer vers la sainteté…

— Il faut plutôt ne pas prétendre juger des intentions. De ce que l’archevêque gallorme a voulu dire, nous ne savons rien d’autre que ce qu’il a dit. Quelle « catéchèse » !

— Mais voyez, au contraire, dans le même numéro de La Croix, l’article intitulé : « L‘épiscopat continue de défendre les positions d‘“Humanae viae”. »

— Je vois le titre, mais je lis aussi l’article : c’est en Argentine. Ce n’est apparemment pas dans le diocèse de Rennes, ni dans le « groupe de travail des évêques sur la bioéthique ». Peut-être, en France, ne savent-ils pas trop ce qu’ils disent, ce qu’ils pensent, ce qu’ils expriment, objectivement. Cela fait cinquante ans (et même exactement, cinquante-trois) que je le répète : Ils ne savent pas ce qu’ils font. Ils ne savent pas ce qu’ils disent. (Nouvelles Editions latine 1955). Le dernier Gallorme en date m’a en quelque sorte accroché par la cravate quand il a proclamé que l’Eglise n’interdit rien (etc.). Il m’a ainsi détourné de mon Sarko flingue la presse (II). Ce sera pour demain.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 6640 de Présent, du Mardi 29 juillet 2008

Partager cet article
Repost0
24 juillet 2008 4 24 /07 /juillet /2008 21:57

L‘évêque, Mgr Gallorme, 40 ans, est en poste depuis deux ans. Il vient enfin de trouver le temps d’accorder une audience à l’abbé Dubost, 75 ans, curé de campagne, qui a été son professeur au séminaire.

La rencontre entre l‘évêque et l’abbé débouche sur une confrontation entre « la foi des anciens jours » et « la religion des temps nouveaux ».

La scène est en France, elle se passe à l‘évêché, au milieu des années quatre-vingt, avec l’intervention comique d’une équipe de télévision et une dépêche dramatique de l’AFP.

C’est une pièce de théâtre écrite par Michel De Jaeghere, précédemment auteur de deux ouvrages, Enquête sur la christianophobie et La Repentance, histoire d’une manipulation, qui l’ont placé intellectuellement à la tête d’une nouvelle génération de catholiques, celle qui est née après la mort de Pie XII et qui arrive maintenant à sa pleine maturité. Ce nouvel ouvrage, qui fera date, est intitulé Ite missa est, il paraît aux Editions de Renaissance catholique (89 rue Pierre Brossolette, 92130 Issy-les-Moulineaux).

La pièce comporte six scènes. Elle respecte les trois unité classiques : unité de lieu, unité de temps, unité d’action. Elle se déroule en effet tout entière dans le bureau de Mgr Gallorme ; elle dure environ une heure ; elle est toute dans les péripéties de la révocation, par son évêque, d’un prêtre dont la paroisse est « aujourd’hui, pour le diocèse, un contre-témoignage » : son curé porte la soutane, il célèbre (avec toutes les autorisations hiérarchiques) la messe traditionnelle, il enseigne le catéchisme du concile de Trente, il ne comprend pas que le monde ayant changé, la religion doit changer pareillement.

Voilà donc le cœur de l’affaire : la religion doit changer parce que le monde change. Ce n’est pas nouveau, on connaît la chanson, et ses dégâts. Mais Michel De Jaeghere dépasse nos analyses, nos démonstrations, nos dissertations (y compris les siennes) : il en fait une synthèse vivante, c’est la supériorité concrète du théâtre sur le discours, et un Beaumarchais, on le sait, aura peut-être fait plus pour la Révolution qu’un Jean-Jacques Rousseau. Pour la Contre-Révolution, Michel De Jaeghere, bon écrivain, était déjà en passe de devenir notre Louis Veuillot. Il se met maintenant à l‘école de Molière. Je dis bravo.

Le sommet de la confrontation est à la scène IV, à partir du moment où Mgr Gallorme oppose aux réticences de l’abbé Dubost : « Je crois avoir le même Credo que vous. » Il l’a en effet, mais en lui donnant une signification simplement allégorique. « Est monté au Ciel » ? C’est « bien évidemment une scène symbolique », « un conte pédagogique ». Poussé dans ses retranchements quand il est mis en face des articles du Credo, l‘évêque en vient à l’aveu : « Je ne crois plus à toutes ces fables. » Il a « une foi adulte ». La présence réelle ? « Je crois à une présence spirituelle. » Il ne croit plus à « la fable du vieillard barbu qui aurait façonné le monde en six jours », « Dieu est au fond de chaque homme, il est ce qui, en lui, tend au bien, par opposition à ce qui abaisse l’homme ».

Je verrais bien cet Ite missa est de MDJ mis en scène et joué par trois ou quatre Jean Piat (à ma connaissance il n’y en a malheureusement qu’un). Que pourrait-il arriver alors ? Eh bien, de même que l’on dit « un tartufe » ou « un harpagon », on prendrait l’habitude de dire tout simplement un gallorme pour désigner cette sorte de prélats sans foi ni loi, sans honneur et sans remords, qui veulent que l’Eglise renonce à la prétention de détenir à elle seule la vérité absolue, et qu’un abbé Dubost peut regarder dans les yeux en leur disant, avant même qu’ils n’en fassent l’aveu : « Vous ne croyez plus en Dieu, vous ne croyez plus en Jésus, Monseigneur ! »

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 6638 de Présent, du Vendredi 25 juillet 2008

Partager cet article
Repost0
19 juillet 2008 6 19 /07 /juillet /2008 12:43
par Jean Madiran

 Un correspondant romain m‘écrit : « Le Pape, avec le motu proprio [du 07.07.07] a fait un acte qu’on peut qualifier d’héroïque quand on connaît les vives oppositions à la messe traditionnelle dans la Curie romaine et dans les épiscopats, mais depuis lors il règne plus qu’il ne gouverne. Il cherche à donner un certain exemple liturgique par son cérémoniaire Mgr Guido Marini, mais il n’impose rien. Le point sur lequel il ne cède pas c’est la messe, ce n’est pas tout mais c’est déjà beaucoup. (…)

« Avec Mgr Bruguès devenu secrétaire de la congrégation pour l‘éducation, il ne faudra pas s’attendre à un redressement des séminaires et des universités catholiques. Mgr XXX quitte finalement la secrétairerie d’Etat où il exerçait une grosse influence sur les nominations épiscopales en France. Maintenant c’est à Bruguès que sera demandé un avis. Et le cardinal XXIII a pris la place du cardinal Lustiger à la congrégation des évêques. Il y a donc peu à espérer pour un changement d’orientation dans l‘épiscopat français. »

On peut trouver ce pronostic trop pessimiste. L’abbé Claude Barthe l’est un peu ou beaucoup moins dans son opuscule sur Les nominations épiscopales en France, encore qu’il souligne « les lenteurs d’une mutation » enclenchée par « ce tournant de l’histoire postconciliaire » opéré par Benoît XVI. L’abbé Barthe observe en effet qu’« un quart de l‘épiscopat français a été modifié depuis l‘élection de Benoît XVI » et cependant « le paysage épiscopal de l’hexagone est resté pratiquement inchangé » parce que « l’on persiste à laisser se coopter entre eux des évêques d’une génération qui gère aujourd’hui la faillite qu’elle a hier programmée ».

Justement : l‘épiscopat français ne sait pas, ne peut pas, ne veut pas voir qu’il s’agit d’une faillite ; qu’il s’agit d’un désastre qui est le sien. Il est effarant de constater avec quelle obstination cet épiscopat continue à jouer et imposer l‘émerveillement devant l‘évolution conciliaire, devant ses prétendus « acquis », et devant le fameux « esprit du concile » (ce soi-disant « esprit » récusé en bloc dès le premier grand discours de Benoît XVI à la Curie). Le progressisme du clergé diocésain et de sa hiérarchie a fait la preuve qu’il est en réalité un régressionisme.

L’attachement inouï de l‘épiscopat français à une triste liturgie supprimant tout agenouillement, imposant la communion dans la main, instituant la mise en scène spectaculaire d’un célébrant face aux fidèles, oui, cet attachement s’appuie silencieusement sur un méli-mélo à la fois doctrinal, canonique, administratif. Pour s’en tenir au plus visible : la nouvelle messe a fait l’objet d’une première édition « typica », c’est-à-dire officielle, promulguée par Paul VI dans sa constitution apostolique Missale romanum du 3 avril 1969, édition à laquelle plus personne ne se réfère, plus personne n’en parle, ce silence est celui d’une honte inavouée ; la seconde édition « typica » (remaniée) est de 1970 ; en 1975, ce fut la « typica altera » ; et en 2002, une nouvelle édition corrigée, la quatrième, présentée comme « typica tertia », c’est-à-dire « troisième », manière efficace de confirmer que l‘édition de 1969 est considérée désormais comme ne comptant plus et n’ayant jamais existé. Bref, une cascade de corrections subreptices, sans explication et sans autre argument exprimé qu’un automatique et aveugle argument d’autorité.

Donc, la quatrième édition, appelée troisième, celle de 2002, est en vigueur depuis six ans. On sait qu’une grande partie de notre clergé diocésain ne célèbre la messe qu’en langue française. Mais où en est l‘édition française ? Nulle part. Elle est à venir. La Croix nous l’annonçait le 23 janvier dernier : le « groupe de travail » chargé de la traduction ne s’est « mis en place » qu‘à l’automne 2007. Et, tenez-vous bien, « cela nous fait une traduction à l’horizon 2010-2012 ». Comme on vous le dit. Avec, donc, seulement huit à dix ans de retard. On n’arrête pas le progrès.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 6634 de Présent, du Samedi 19 juillet 2008

Partager cet article
Repost0
11 juillet 2008 5 11 /07 /juillet /2008 16:13
Nous serons quelques-uns (et peut-être toute l’Eglise ?) à célébrer pieusement cette année le cinquantième anniversaire de la mort de Pie XII (9 octobre 1958).

• La mort de Pie XII en 1958 marque, dans l’histoire de l’Eglise, le moment où le Saint-Siège va cesser d’opposer frontalement son autorité magistérielle et ses condamnations aux tendances révolutionnaires qui, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, agitent le clergé catholique.

• A la fin des années cinquante, un peu avant ou un peu après 1958, parmi les propos ordinaires du monde ecclésiastique, j’ai entendu plusieurs fois annoncer en privé que Pie XII « serait probablement » puis « avait été » le dernier pape tridentin. J’ignorais bien sûr d’où pouvait provenir une aussi surprenante rumeur, et d’ailleurs j’en discernais mal la portée. Nous le voyons aujourd’hui, c’est bien à partir de 1958 qu’a été progressivement abandonné dans les diocèses l’enseignement de la foi chrétienne selon la pédagogie prescrite par la préface au Catéchisme du concile de Trente, c’est-à-dire la pédagogie des trois connaissances nécessaires au salut et des quatre parties obligatoires de tout catéchisme catholique.

• La révolution religieuse qui s’est déchaînée durant toute la seconde moitié du XXe siècle s’est manifestée d’abord dans cette subversion du catéchisme. Ce fut l’affaire du « catéchisme progressif » qui eut, mais prudemment en sous-main, le soutien de l‘épiscopat français. Ce catéchisme voulait imposer de suivre sans jamais la devancer l’« expérience religieuse des enfants catéchisés » (au lieu de la susciter et la guider par l’enseignement traditionnel des trois connaissances). Pie XII y donna un coup d’arrêt en 1957. L‘épiscopat se soumit en traînant les pieds. Mais déjà des familles se regroupaient pour enseigner elles-mêmes le catéchisme romain traditionnel à leurs enfants. Elles avaient raison. Après 1958, les efforts réels du Saint-Siège pour sauver le catéchisme du désastre qu’on lui connaît furent trop discrets, trop débordés, trop impuissants. Et aujourd’hui encore, il manque dans la plupart des diocèses le modeste mais indispensable livret du petit catéchisme pour enfants baptisés. Quand il en subsiste quelque chose, c’est par initiative privée, et souvent clandestine (cf. Histoire du catéchisme 1955-2005).

• Sous Pie XII commença aussi la non-résistance catholique au communisme. Mais il ne lui consentit aucune apparence de complicité, aucun caractère officiel, aucune tolérance. Cette non-résistance systématique s‘était fortement installée dans la presse catholique et dans l‘épiscopat. Elle avait pour origine le clan démocrate-chrétien, dont quelques notables clercs ou laïcs avaient étroitement collaboré pendant la guerre avec le parti communiste, et le souvenir de cet excitant concubinage leur était resté doux. Ce fut, s‘élargissant comme une immense tache d’huile, l’extension d’un « progressisme » politico-religieux, partisan de l’« ouverture », du « dialogue », de l’« accompagnement » pratiqués aveuglément à l‘égard de toutes les « modernités » sans discrimination. Pie XII y était totalement imperméable. Et sous son pontificat la rébellion révolutionnaire du clergé baissait la tête.

• Il ne lui avait pas échappé que le concile du Vatican (1869-1870) avait été suspendu en raison de l’entrée dans Rome des troupes italiennes. Il s‘était donc posé la question de reprendre ce concile interrompu. Il consulta, il médita, il pria, et finalement il jugea imprudent de réunir un concile en un temps où l’on avait déjà tant de mal à contenir le tumulte révolutionnaire d’un clergé qui était rebelle dans son cœur.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 6630 de Présent, du Samedi 12 juillet 2008

Partager cet article
Repost0
10 juillet 2008 4 10 /07 /juillet /2008 06:45
Deux pages entières de La Croix, cette semaine, pour nous dévoiler plus ou moins clairement la stratégie suicidaire de l‘épiscopat français pour s’opposer à l’application du motu proprio promulgué le 07.07.07 par Benoît XVI pour la libération de la messe romaine traditionnelle.

• Le journal La Croix est, comme on le sait, l’organe officiellement officieux et officieusement officiel du Conseil permanent de l‘épiscopat. Il est donc parfaitement crédible lorsqu’il rapporte les pensées, les propos ou les actes des évêques français.

• Il nous est donc confirmé par La Croix de lundi que l’inspirateur de la stratégie anti-07.07.07 est le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris. Elle consiste à n’autoriser de messes traditionnelles que si elles sont célébrées par un prêtre diocésain qui n’y soit pas favorable. C’est-à-dire à faire comme si le motu proprio avait en quelque sorte excommunié le clergé des instituts Ecclesia Dei pourtant reconnus par le Saint-Siège : le mot d’ordre séditieux et suicidaire est de systématiquement les écarter.

La Croix donne non pas comme une exception, mais comme représentatif de la stratégie épiscopale, le fait de rechercher parmi les prêtres diocésains un prêtre « ad hoc » plutôt que de faire appel à un institut relevant de la Commission pontificale Ecclesia Dei. Au nom de sa conception, soi-disant conciliaire, de la « collégialité », l‘épiscopat français entend considérer sa propre autorité comme supérieure à celle de la Commission pontificale.

• Certains poussent même le dévouement jusqu‘à se faire publiquement passer pour des imbéciles : ils se mettent à appliquer le motu proprio (terriblement restrictif) publié par Jean-Paul II en 1998, comme s’ils ne s‘étaient pas encore aperçus que nous sommes désormais sous le régime du motu proprio publié le 07.07.07 par Benoît XVI.

• Et surtout pas de « paroisses personnelles », ce serait contraire au motu proprio (qui justement les a instituées) ! A ce sujet, les propos attribués par La Croix à Mgr Vingt-Trois et à Mgr Chauvet sont véritablement très instructifs. Une astuce parallèle consiste à permettre une messe le premier et le troisième dimanche du mois, comme si l’obligation dominicale n’existait plus (il est vrai qu’elle est souvent oubliée par le clergé lui-même, dans un état d’esprit dit « conciliaire »).

• Pie XII est mort en 1958. Après cinquante années d’une révolution liturgique et d’une révolution catéchétique permanentes, qui ont été soit tolérées soit soutenues par la hiérarchie ecclésiastique, l‘état d’esprit général du clergé diocésain est devenu déplorable. La Croix cite entre guillemets le propos suivant : « Je ne comprends pas que le pape ait relancé cette démarche liturgique [la libération de la messe tradi] sans voir qu’elle n’est pas cohérente avec Vatican II. » Le propos cité ainsi n’est pas présenté comme une exception regrettable mais comme représentatif de ce que pense le clergé diocésain vieillissant.

• Le quotidien parisien Libération n’est pas particulièrement favorable à la moindre forme de traditionalisme. Son enquête sur les messes tradis lui a cependant montré une « assistance majoritairement jeune et prolifique ». Et il aboutit à un constat complémentaire : « Les tradis sont l’avenir de l’Eglise catholique. La nouvelle évangélisation voulue par Jean-Paul II, confirmée par Benoît XVI, et qui vise à ramener vers l’Eglise les grandes masses qui s’en sont éloignées, passe par eux. » C’est donc devenu une évidence solaire.

• La remise en ordre d’une Eglise bouleversée par cinquante années de révolution passe obligatoirement par un ralliement des évêques à la messe tridentine et au catéchisme tridentin. En France, on est fort loin de compte. Aux Editions Hora Decima vient de paraître un opuscule de l’abbé Claude Barthe sur Les nominations épiscopales en France, sous-titre : Les lenteurs d’une mutation. La mutation est forcément contre-révolutionnaire, elle est inévitable, en France elle est très lente, l’abbé Barthe, fin connaisseur des réalités ecclésiastiques, démonte sous nos yeux les mécanismes de ce ralentissement artificiel. Ce n’est pas La Croix qui va recommander la lecture de cet ouvrage vif et pertinent.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 6628 de Présent, du Jeudi 10 juillet 2008

Partager cet article
Repost0