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Qui a dit :
"Si vous entendez faire mon éloge, surtout dites bien : il a gâté son "boy", il fumait des cigarettes, il aimait une petite goutte d'alcool, il disait : "Fichez-moi la paix!" " ?
Les commentaires sont ouverts pour accueillir vos réponses.
Alors que certains groupes, qui ne font pas partie de l’Eglise catholique et en sont même fort éloignés, ont pu faire pression victorieusement sur elle pour entraver le procès en canonisation de la reine Isabelle la Catholique et retarder celui du pape Pie XII, serait-il permis à un simple fidèle appartenant à une communauté réprouvée par un ostracisme vigilant, et témoin d’une Eglise oubliée, d‘émettre quelques réserves sur le procès en canonisation du pape Jean XXIII ?
Il n’est certes pas facile de jouer le rôle ingrat d’accusateur dans une cause où l’un des acteurs est absent. Mais sont aussi absents les milliers de chrétiens d’Afrique si maltraités par l’Histoire officielle et honnis par la pensée unique politiquement correcte.
Car nous les pieds-noirs, nous avons quelque chose à dire au sujet du sort de l’Eglise d’Algérie et de la politique du Vatican à son égard.
Si le pape Pie XI a ouvert finalement les yeux sur la nature véritable du communisme (trop tard pour les malheureux Cristeros massacrés au Mexique entre 1926 et 1929 et au-delà), c’est lorsque l’Espagne a été menacée à son tour par la République espagnole révolutionnaire et communiste de 1936.
Le pape Jean XXIII, lui, a passé outre aux mises en garde de son prédécesseur quant à la perfidie communiste, lorsqu’il a négocié avec les émissaires kagébistes de l’Eglise russe pour conclure « l’Accord de Metz » (l).
C’est dans le même esprit que l’on n’a pas considéré avec la méfiance qui convenait le socialisme arabe qui allait être installé par De Gaulle en Algérie, en attendant que ce socialisme arabe se transforme purement et simplement en islamisme, chassant les croix de nos églises transformées en mosquées et profanant nos cimetières en détruisant les tombes de nos aïeux.
Mais il y avait à Alger un archevêque, indigne successeur du cardinal Lavigerie, et pourtant responsable du troupeau qui lui avait été confié depuis le 3 février 1954, qui fut soutenu dans toutes ses aberrations par le Vatican, qui, en la personne de Paul VI l’honora même du titre de cardinal le 22 février 1965.
I – Léon-Etienne Duval, archevêque d’Alger
Quelles que soient les fonctions d’autorité, avant de décider, on a le devoir de s’informer et c’est ce qui semble avoir manqué principalement à Mgr Duval. A moins que ses partis pris idéologiques de gauche n’expliquent le tout de sa conduite.
Mais puisqu’il était en cheville avec le FLN, il avait le devoir de s’informer à son sujet sur l’avenir préparé aux chrétiens dont la charge lui était confiée. Et il avait un moyen très simple qui était à sa portée : le FLN (2) était soutenu par le dictateur égyprien Nasser et une grande partie de ses troupes l’avait pris pour modèle. Or, quel sort l’Egypte réservait-elle aux chrétiens ?
Il y avait d’abord les Coptes opprimés depuis toujours. Avec Nasser leur situation s‘était encore aggravée. Mais surtout, la politique du régime nassérien était dépourvue d’ambiguïté à l’égard du christianisme : contrôle accru sur les écoles religieuses, égyptianisation de la direction de ces écoles, interdiction d’enseigner une autre religion aux enfants musulmans.
Si Mgr Duval voulait savoir l’avenir de l’Algérie sous la conduite du FLN, il lui suffisait de connaître la politique de Nasser, qui avait causé entre autres le départ de la plupart des juifs du pays.
Mais il semble bien que son parti fût déjà pris : les pieds-noirs ne peuvent oublier, par exemple, qu’il refusa que l’abbé Dahmar vînt dire la messe pour les étudiants des Barricades de janvier 1961. Et qu’il traita différemment les victimes des attentats selon qu’elles étaient d’origine européenne ou indigène ; il envoyait ainsi les secours de ses religieuses dans la Casbah, mais non aux gens qui furent mitraillés le 26 mars 1962 rue d’Isly à Alger.
II – Jean XXIII et l’Algérie
« [Les pays d’Afrique] devront reconnaître à l’Europe le mérite de leur avancement, et étendre à tous les domaines l’influence de l’Europe et de la civilisation chrétienne, sans quoi ils risqueraient d‘être entraînés par un nationalisme aveugle à se jeter dans le chaos ou dans l’esclavage. » Pie XII, Radio message de Noël 1955.
Depuis 1944, le nonce apostolique en France était Ange Joseph Roncalli (le futur pape Jean XXIII). C’est en cette qualité qu’il a fait une visite en Algérie en 1950 en particulier pour inaugurer à Oran la basilique de Notre-Dame-de-Santa-Cruz. Il connaissait donc personnellement l‘évêque de Constantine d’alors, Mgr Duval, et il y a tout lieu de supposer qu’il a préparé sa nomination à la succession du vieil archevêque d’Alger, Mgr Leynaud, âgé de 87 ans (3).
En outre il avait quelque idée de ce qu‘était la chrétienté en Algérie pour avoir eu un aperçu des églises qui en formaient la trame sur toute son étendue.
Pourquoi a-t-il accordé une si grande confiance à Mgr Duval alors qu’il pouvait savoir à quel point celui-ci était méprisé ou haï de la plupart de ses ouailles ?
Or, au moment de l’exode des pieds-noirs et des harkis, et donc à la disparition de l’Eglise d’Algérie, son soutien inconsidéré à la politique duvalienne va jusqu‘à adresser à ce dernier le 7 juillet 1962, malgré la récente profanation de la cathédrale d’Alger (le 6 juillet), un télégramme qui fut aussitôt publié dans la presse :
« A l’occasion de la proclamation de l’indépendance de l’Algérie, le Souverain Pontife forme des souhaits fervents de prospérité pour le nouvel Etat, appelant de ses vœux l’harmonieuse collaboration des diverses communautés, favorisée avec tant de zèle par votre Excellence. Sa Sainteté invoque de grand cœur sur tous les habitants de la terre algérienne les abondantes bénédictions du Dieu Tout-Puissant. »
Ce pourrait n‘être qu’une formule diplomatique si, par ailleurs, la sollicitude du Pasteur de tous les fidèles s‘était manifestée pour secourir les malheureux qui fuyaient le couteau des égorgeurs. Or pas plus que Mgr Duval ou la plupart des évêques français, on ne manifesta quelque sympathie (4) pour de supposés suppôts de l’OAS (5) qui durent affronter la misère et le désespoir avec l’hostilité de l’opinion publique et de la plupart des médias.
Il est bien possible que Jean XXIII fût trop occupé à la préparation du Concile pour se soucier d’une chrétienté sur laquelle les informations étaient biaisées par l’idéologie de la décolonisation qui sévit encore aujourd’hui partout.
Si l’on recherche avec soin les discours et les interventions du Pape en cette douloureuse année 1962, on est surpris de ne pas trouver la moindre allusion aux malheurs des catholiques d’Algérie contraints à l’exode ou suppliciés.
Bien plus, son Message pour l’indépendance de l’Algérie daté du 2 juillet 1962 est à l’opposé des angoisses qui étreignent les chrétiens d’Algérie :
« … Les récents événements invitent à des pensées de confiance : les vœux les plus cordiaux accompagnent ces populations dans les tâches importantes que comporte l‘étude de la charte constitutionnelle, au moment où retentit dans le monde la voix de leur jeune liberté… »
On cherche tout aussi vainement dans son message pour la Journée de la paix du 10 septembre 1961 le souci des malheurs de l’Eglise d’Algérie : prêtres enlevés, familles massacrées…
Et l’homélie prononcée le 3 septembre 2000 par Jean-Paul II à l’occasion de la béatification ne lui fait pas le crédit de s‘être soucié d’une si petite Eglise mais bien d’avoir eu la merveilleuse intuition prophétique de la nécessité d’un concile écuménique (sic) inaugurant une saison d’espérance pour les chrétiens et pour l’humanité.
Il conviendrait donc de poser la question : le Bon Pasteur ne laisse-t-il pas les 99 brebis qui sont en sûreté au bercail pour aller à la recherche de celle qui est exposée au danger ? Nous avons attendu ne serait-ce qu’un mot de compassion de la part du Père de tous les fidèles, et nous avons ressenti les honneurs décernés à notre imprévoyant archevêque (6) quelque peu sectaire comme une insulte à notre malheur.
Conclusion : faut-il vraiment canoniser Jean XXIII ?
« L’Eglise ne doit pas s’occuper seulement des catholiques mais du monde »,
Jean XXIII, Prix Balzan d’humanisme, de paix et fraternité entre les peuples pour l’année 1962.
Nous avons essayé de rapporter les actes publics, les paroles et les écrits qui sont des éléments objectifs de la vertu et de la sainteté de celui qu’on pourrait proposer à la vénération des fidèles. Mais justement pour nous, chrétiens d’Afrique du Nord, certains de ces actes ou de ces paroles furent scandaleux et nous ne comprendrions pas qu’on les proposât comme modèles alors qu’ils furent pour le moins injustes.
En outre, au moment où Jean XXIII s’est engagé à ne pas condamner le communisme (l’Accord de Metz date d’août-septembre 1962), il a abandonné sans regret une Eglise de plus d’un million de fidèles au joug d’un parti marxiste et islamiste.
Car il est symptomatique que le FLN fut l’allié de Moscou et que, selon le mot de Lénine, Alger était le ventre mou de la France.
N’est-ce pas la préfiguration de la politique d’Augustin Casaroli (7) (l’Ost Politik) qui ménage les régimes communistes par des concessions, des abandons et autres lâchetés (8), au détriment des véritables intérêts de l’Eglise ?
Il semble donc que sur ces deux points (l’Accord de Metz et l’abandon de l’Eglise d’Algérie) le pape Jean XXIII ait manqué à la prudence et à la charité qu’on attend d’un souverain pontife, père de tous les fidèles.
Paul-André Maur
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(l) Accord en vertu duquel les soi-disant orthodoxes russes acceptaient d’assister au Concile à condition que le communisme n’y fût pas condamné.
(2) Mouvement terroriste d’obédience marxiste.
(3) Mgr Roncalli fut nommé patriarche de Venise, le 12 janvier 1953 et Mgr Leynaud mourut le 5 août suivant.
(4) A l’exception notable du Secours catholique de Mgr Rodhain.
(5) Organisation de résistance qui pratiqua dans la dernière période le contre-terrorisme en réponse à l’intrusion sanglante de barbouzes commanditées par le gouvernement français.
(6) Déclaration du 25 juillet 1962 de Mgr Duval : « Tout laissait espérer, il y a quelques semaines, que l’Algérie, dans la joie de sa jeune liberté, dans les possibilités qui lui sont offertes, allait prendre son essor dans un avenir de paix et de prospérité. Si certaines régions, aujourd’hui, donnent l’exemple de la tranquillité et du travail dans l’ordre, d’autres, au contraire, sont le théâtre de violences que rien ne peut justifier : enlèvements, exactions de toutes sortes ; même les tombes où reposent les morts sont quelquefois profanées. » Les libéraux sont toujours surpris des conséquences réelles des principes qu’ils affichent.
(7) Secrétaire d’Etat de Jean XXIII et de Paul VI.
(8) Lâches abandons qui ne firent qu’aggraver la situation des chrétiens soumis à la tyrannie soviétique.
Article extrait du n° 7041 de Présent, du Samedi 27 février 2010
La Vie spirituelle, ascétique et mystique
Tome 105 (Juin 1928), pp. 332-347
Voici ce que disent parfois des personnes pieuses, mais très «prises», selon une expression qui fait image: «Bien volontiers je consacrerais à la prière de longs moments; malheureusement, je n’en ai pas le loisir, et je sens que peu à peu ma piété s’en va, faute d’aliment...» Et ces âmes se désolent de ce qu’elles appellent leur tiédeur ou leur aridité.
Et n’a-t-on pas entendu même des prêtres gémir de cette sorte: «Ma vie, emportée par des occupations sans nombre, est devenue un tourbillon. J’y perds la tête... Comment, avec cela, donner aux exercices de piété une vitalité qui aiderait aux œuvres de zèle sans les absorber ni les sacrifier?... Où trouver du temps pour des études personnelles, pour un repos et des délassements raisonnables?»
Ces questions, le Curé d’Ars se les est posées. De quelle façon les a-t-il résolues pratiquement, ce serait intéressant à savoir; car il y a toujours à recueillir, dans la conduite des saints, de hautes et profitables leçons.
Question du repos et des délassements raisonnables? Les conclusions de notre héros sont choses connues: ni repos ni délassements. Nous n’avons donc qu’à nous incliner en admirant, avec le regret de ne pouvoir imiter.
Question des études personnelles? Au témoignage de Catherine Lassagne, directrice de l’orphelinat de la Providence, l’abbé Vianney «se croyait fort ignorant». Il le pensait, et il le disait. «Que voulez-vous, confiait-il un jour à M. Raymond, son vicaire, je n’ai pas fait d’études; autrefois, à Écully, M. Balley a bien essayé pendant cinq ou six ans de m’apprendre quelque chose; il y a perdu son latin et n’a rien pu loger dans ma mauvaise tête.» Or l’abbé Raymond, à qui l’humilité héroïque de son saint curé n’arrivait pas à donner le change, savait fort bien à quoi s’en tenir sur les capacités de cette mauvaise tête. Il n’ignorait pas à quel labeur intellectuel s’était astreint M. Vianney depuis son arrivée dans la paroisse d’Ars: la composition de ses sermons ne lui avait-elle pas coûté de longues veilles? Quand se fut établi le courant du pèlerinage, ne l’avait-on pas vu, pendant la saison d’hiver où il ne restait au confessionnal qu’une dizaine d’heures par jour – au lieu des seize ou dix-huit heures de l’été – lire et relire des livres comme les Examens de Valentin et la Théologie morale de Gousset? Ainsi le saint Curé trouvait le moyen, malgré un ministère très fatigant, de se perfectionner dans la science de son état.
A vrai dire, c’était là, avec quelques entretiens d’amis ou une visite à sa Providence, son unique délassement, son grand repos au temps du pèlerinage. Auparavant, il se récréait soit en passant une matinée entière au pied de l’autel, soit en parcourant la campagne, le bréviaire ou le chapelet en main. Mais, à partir de 1828, les promenades dans les champs tout comme les visites prolongées au Saint-Sacrement lui devinrent absolument impossibles: le soin des âmes fut pour ainsi dire dès lors son unique office.
Il n’aurait eu à sacrifier au bénéfice des âmes que de modestes promenades, la peine pour lui, semble-t-il, n’eût pas été bien grande; en tout cas, il n’en eût pas ressenti un trop cuisant regret. Mais ses méditations au pied du tabernacle!... Comment y renoncer sans une immense douleur? Aussi ne soyons pas étonnés d’entendre le Curé d’Ars se lamenter de ne plus pouvoir faire oraison tout son content. .
D’après ses propres confidences, il en avait pris l’habitude de bonne heure. Vers la fin de sa vie, débordé, écrasé de plus en plus par le travail du confessionnal, saint Jean-Marie Vianney aimait à évoquer ses années d’adolescence, ce pur matin où Dieu l’avait conquis pour toujours.
«Que j’étais heureux, soupirait-il, lorsque je n’avais à conduire que mes trois brebis et mon âne!... Dans ce temps-là, je pouvais prier tout à mon aise: je n’avais pas la tête cassée comme à présent...
«Si maintenant que je cultive les âmes, j’avais le temps de penser à la mienne, de prier et de méditer comme quand je cultivais les terres de mon père, que je serais content! Il y avait au moins quelque relâche dans ce temps-là; on se reposait après le dîner avant de se remettre à l’ouvrage. Je m’étendais par terre comme les autres; je faisais semblant de dormir, et je priais Dieu de tout mon cœur. Oh! c’était le beau temps!»
On voit ici la pensée du Curé d’Ars. Il regrette l’époque où il goûtait les douceurs de la méditation. Sans l’avouer directement, il voudrait revivre de quelque manière cette phase heureuse de sa vie. Pour certains auditeurs cela n’était pas un mystère: si le saint rêvait de finir ses jours dans une Trappe, n’était-ce pas surtout afin d’y vaquer à la prière?
Mais ce rêve ne s’est point réalisé. Et, en définitive, le Curé d’Ars n’en est mort ni de chagrin ni de désespoir. Quelque chose en lui subsistait, qui nous découvre la face la plus émouvante de son âme. Supposé que M. Vianney n’aurait eu de goût que pour la contemplation et la solitude, il serait devenu, forcé qu’il était de rester curé, le plus malheureux des hommes. Un contrepoids providentiel – son ardente charité pour les pécheurs – l’a sauvé du découragement. Puis, par une inspiration d’en haut, notre saint a trouvé le moyen d’unir dans sa vie, de la manière la plus simple et la plus parfaite, l’action à la contemplation.
Ainsi, même quand il dut se mêler d’affaires matérielles – restauration ou agrandissement de son église, fondation et construction de l’école et de l’ orphelinat – il n’encourut point le reproche adressé par saint Bernard à Eugène III dans son livre De la Considération. Il ne fit pas de ces occupations une «éviscération de l’âme»; il n’en subit pas une diminution de sa vie intérieure. De toute chose, au contraire, il tira la subsistance de cette vie intérieure dont le dépérissement l’eût navré.
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* *
Son âme, par des ascensions continues, avait atteint les purs sommets de la vie unitive. Là, il n’est plus besoin de paroles pour dire l’amour; il suffit d’aimer, il suffit de penser que l’on aime.
Pendant ses courtes nuits, tandis qu’il fermait les yeux sans pouvoir dormir, énervé par l’écrasant labeur de la veille ou tourmenté par l’infernal gêneur, il élevait son cœur vers Dieu, heureux de se voir immolé pour sa gloire, éprouvé à la place des pécheurs... Minuit sonnait au clocher tout proche; le Curé d’Ars se relevait. Sa journée recommençait, vouée d’avance aux pénitents qui attendaient.
«Et le jour s’embrasait de l’ardeur de ses nuits», comme on l’a dit dans une phrase vibrante qui ferait un vers magnifique 1. Vers une heure du matin, sinon plus tôt, après avoir récité cinq pater et cinq ave avec les fidèles qui venaient d’entrer sur ses pas à l’église, l’abbé Vianney s’asseyait à son confessionnal. Et l’apostolat du saint reprenait son cours sublime et monotone.
Mais l’oraison étant l’âme de tout apostolat, ainsi que l’a prouvé Dom Chautard, abbé de Sept-Fonts, dans l’ouvrage qui porte précisément ce titre évocateur, comment le Curé d’Ars confesseur fera-t-il oraison pour demeurer toujours apôtre? Déjà, avant le pèlerinage, il s’était habitué à l’oraison de simplicité où l’on délaisse les livres, où l’on prie de cœur sans presque se servir de paroles. Une de ses pénitentes les plus assidues et les plus intelligentes, Mme Alix de Belvey, avait fait cette remarque du jour où elle avait pu observer le Curé d’Ars agenouillé près de l’autel, les yeux fixés sur le tabernacle ou modestement baissés. «Son oraison, dit-elle – et ce qu’elle dit là se rapporte aux dix premières années du pastorat de M. Vianney – son oraison était affective, plutôt que consacrée à des réflexions et à des raisonnements.» C’était, en définitive, la manière même, ou peu s’en faut, de ce bon vieux paysan d’Ars qui passait matin et soir un assez long temps à l’église et dont les lèvres ne remuaient jamais pour une prière vocale. Seulement ses yeux francs et candides semblaient rivés à l’agneau qui orne le tabernacle. «Eh! que faites-vous donc là? mon père Chaffangeon, lui avait demandé M. Vianney, étonné malgré tout de cette immobilité muette. – Oh! monsieur le Curé, j’avise le bon Dieu, et il m’avise.»
De la chapelle de saint Jean-Baptiste où il entendait les confessions, notre saint ne pouvait plus aviser le bon Dieu. Pouvait-il même penser à lui, attentif qu’il devait être aux aveux des pénitents? Mais, sans lui parler, ni même l’entrevoir autrement que par son action dans les âmes, il jouissait du voisinage du divin Ami. Il se disait: après tout, c’est uniquement pour lui que je travaille: je veux que chacune de mes paroles, le moindre de mes gestes, chaque battement de mon cœur soient autant d’actes d’amour. Et de cette manière, probablement sans le savoir, il pratiquait en perfection ce que le saint évêque de Genève appelait l’oraison vitale, l’union incessante avec Dieu parmi les tracas incessants de l’activité humaine.
N’est-ce pas là, à tout prendre, le fond même de la sainteté? Supprimons d’une existence toute action tant soit peu remarquable, tout rayonnement extérieur; si l’âme demeure unie à Dieu, elle est une âme sainte. Aussi l’oraison vitale pratiquée sans interruption est-elle considérée comme le privilège de peu d’âmes et, à ce haut degré, comme une sorte de don gratuit. Cependant elle n’est, d’ordinaire, que le résultat de longs efforts; puis, comme tout ce qui est vie ici-bas, elle peut s’épuiser et s’éteindre. L’âme unie à Dieu, c’est comme une lampe où brille une lumière vigilante; mais, si l’huile n’est pas renouvelée à temps, c’en sera fait de la douce flamme.
Des confidences du Curé d’Ars nous ont appris qu’il pratiqua de bonne heure la vie d’intimité avec son Dieu. N’a-t-il pas conté aux directrices de la Providence qu’il tirait parti autrefois de ses occupations mêmes pour s’entretenir dans les pieuses pensées? «Allons, disais-je en donnant mon coup de pioche dans le temps que je cultivais la vigne, il faut aussi cultiver ton âme; il faut en arracher la mauvaise herbe afin de l’apprêter pour la bonne semence.» Cela demandait déjà, de la part de notre jeune saint, une grande attention sur soi-même pour ne pas laisser son esprit s’égarer en des pensées purement terrestres et matérielles. Il travaillait souvent de compagnie avec son frère aîné ou le valet de la ferme. Or ceux-ci – sans jugement téméraire – devaient s’acquitter de leur tâche un peu mécaniquement, laissant à Jean-Marie ses recueillements mystiques: c’est que la terre était pour eux la terre, tandis qu’elle était pour Jean-Marie, plus attentif aux inspirations d’en haut, l’image de l’âme où la grâce fait tour à tour l’œuvre du défricheur, du laboureur, du semeur et du moissonneur.
Plus tard, le saint d’Ars profitera des circonstances extérieures pour se nourrir l’esprit de salutaires pensées et revenir sans cesse à Dieu.
Tantôt, en confessant, il gémit à l’aveu des moindres fautes. Que c’est dommage! a-t-il coutume de dire après chaque accusation. Et ce simple mot est sur ses lèvres un cri de foi et de douleur: Que c’est dommage d’offenser ainsi le bon Dieu!... Que c’est dommage de faire ce tort à votre âme!
Tantôt il parle au cœur du pénitent pour l’attendrir. «Encore si le bon Dieu n’était pas si bon, mais il est si bon!»
Tantôt, ne pouvant traduire par des paroles les sentiments d’amour de Dieu et de commisération envers le coupable qui agitent son cœur, le Curé d’Ars se contente de verser des larmes brûlantes.
Que de manières pour lui de se retremper dans le surnaturel!
Avant d’être tout à fait épuisé par le travail des confessions, saint Jean-Marie Vianney avait tâché, il est vrai, de pratiquer, au milieu même de ses occupations, l’oraison proprement dite. Il fit part de sa méthode à son sacristain, le Frère Jérôme, très occupé lui aussi, lui conseillant «de choisir le matin un sujet de méditation auquel il rapporterait toutes ses actions du jour 2». Mais pour son usage personnel M. Vianney dut abandonner ce genre d’oraison, si simple paraisse-t-il: c’eût été penser à trop de choses en même temps.
Vers la fin de sa vie, il avouait ne plus pouvoir pratiquer que l’oraison vitale – s’il ignora le mot, il connut admirablement la chose. L’abbé Dufour, alors jeune missionnaire de Pont-d’Ain, lui demandait un jour conseil sur la manière de faire oraison. Le saint Curé lui répondit: «Dès le commencement de la journée, je tâche de m’unir fortement à Notre-Seigneur, et j’agis ensuite avec la pensée de cette union.» «D’où je conclus, attestait M. Dufour au Procès de canonisation, que la vie de M. Vianney était une oraison continuelle.»
De part et d’autre on ne pouvait mieux dire. Une vie qui est une «oraison continuelle», c’est la suprême montée de la voie unitive. Tout un jour passé dans une union forte, imbrisable, avec Notre-Seigneur, c’est la journée même des élus et des anges, autant du moins qu’une âme la peut vivre en la vallée des larmes.
La physionomie du Curé d’Ars reflétait quelque chose de cette intense vie intérieure. Il suffit, pour s’en convaincre, d’examiner le portrait le moins imparfait que l’on ait pu avoir de lui – ce portrait dit authentique que l’abbé Toccanier fit exécuter d’après le buste en cire, œuvre de Cabuchet. Quelle douceur paisible en ces grands yeux, dans le sourire de ces lèvres fines, sur ce front large et clair où rayonne une pensée haute et pure. Au contact du divin l’humain s’idéalise. Cela explique le saisissement de vénération qu’éprouvaient la plupart des pèlerins en présence de saint Jean-Marie Vianney.
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On conçoit que, déjà si « fortement uni à Notre-Seigneur» pendant les longues heures où il se tenait au confessionnal, le Curé d’Ars ait joui plus pleinement encore de cette ineffable union dans les instants trop rapides qu’il consacrait à la prière.
Heureux ceux qui le virent célébrer la messe! Certaines personnes que des doutes tourmentaient acquirent, à ce spectacle, la certitude de la Présence réelle. En vérité, pour le serviteur de Dieu l’Autel était bien le Calvaire et il s’y tenait comme un autre Jean au pied de la croix. «Aux moments les plus saints, a dit Mme Christine de Cibeins, M. Vianney s’arrêtait comme dans une contemplation d’amour.» Et voici là-dessus d’autres témoignages: «J’étais frappé, a conté l’un de ses anciens enfants de chœur, de voir qu’après la consécration, élevant les yeux et les mains (selon le rite lyonnais), M. le Curé demeurait jusqu’à cinq minutes dans une sorte d’extase. Nous nous disions, mes camarades et moi, qu’il voyait le bon Dieu.»
«Avant la communion, atteste Jean-Baptiste Mandy, fils de l’ancien maire, M. le Curé s’arrêtait encore un instant, semblait converser avec Notre-Seigneur, puis il consommait les saintes espèces.»
Si l’on en croit l’abbé Toccanier, «l’opinion générale à Ars était qu’il jouissait de la présence visible du Sauveur dans l’Eucharistie». Retenons enfin cet aveu indirect qui échappa au saint Curé dans l’un de ses catéchismes: «Il y a des prêtres qui voient tous les jours le bon Dieu au saint sacrifice de la messe.»
Le cœur à cœur avec le Maître se continuait, ininterrompu, dans une ardente action de grâces. Pendant que M. Vianney célébrait, l’église, le sanctuaire même étaient envahis par une foule avide de le contempler. La messe finie, un va-et-vient s’établissait aux abords mêmes du saint autel, les uns voulant revoir plus longuement le Curé d’Ars, les autres, de nouveaux arrivants, essayant de parvenir jusqu’à lui. Et ceux qui avaient déjà vu disaient leur admiration à ceux qui survenaient. On se communiquait ses impressions à deux pas du saint agenouillé sur les degrés du chœur. Lui, immobile, l’âme fermée aux rumeurs d’ici-bas, il avisait Dieu de son regard intérieur, et il ne voyait plus les créatures.
L’audience reprenait deux heures plus tard, quand, après avoir entendu les hommes en confession dans sa petite sacristie, il se mettait à genoux sur le rude pavage pour réciter la partie matinale du bréviaire. D’ordinaire il y avait là un témoin de cette récitation, un pénitent qu’il priait d’attendre un peu en se préparant encore. Un avocat de Lyon, ami du Père Lacordaire, eut ainsi l’occasion d’assister aux «petites heures» du saint Curé, et voici le souvenir qu’il en a gardé:
«Sa bouche, a-t-il écrit, semblait savourer ce que son esprit saisissait; ses yeux étaient illuminés et brillants. On eût dit qu’il respirait un air plus pur que celui de la terre et que, débarrassé des bruits du monde. il n’entendait plus d’autres paroles que celles de l’Esprit-Saint.»
Il s’arrêtait parfois dans sa récitation pour goûter plus pleinement quelque verset de psaume. Il y en a de si beaux, de si suggestifs et qui semblent, tellement ils sont bien adaptés à notre présent état d’âme, avoir été chantés exprès pour nous par le Roi-Prophète! Les accents de David célébrant la mansuétude divine à l’égard du pécheur. ou le bonheur de servir le Roi des rois, ou la paix du juste, trouvaient dans l’âme du Curé d’Ars un écho vibrant. Notre saint se reposait délicieusement l’esprit en cette lecture qu’il faisait sans hâte, comme il faisait toutes ses prières. «Quel bonheur, disait-il, de pouvoir ainsi se délasser un peu!» Trois ou quatre fois le jour, il jouissait de ces douces haltes au milieu de son terrible labeur.
A plusieurs reprises, il invita des confrères à partager ce «délassement» tout spirituel. L’âme sans doute y trouvait son compte, mais le pauvre Adam, lui, aurait eu sujet de se plaindre. C’est ce qui arriva, en particulier, à un jeune sous-diacre de la contrée que M. Vianney, après l’avoir confessé, pria d’alterner avec lui les psaumes et leçons de matines.
L’abbé Denis – c’était son nom – ressentit une grande joie de la pieuse invite, mais quand il eut tâté, pendant un quart d’heure, des carreaux de la sacristie, il commença de les trouver bien durs; d’un genou sur l’autre, il put tenir une demi-heure encore... Quand à M. Vianney, montrant en sa personne qu’une âme héroïque est vraiment «maîtresse du corps qu’elle anime», il ne parut pas s’apercevoir de la fatigue du séminariste, pas plus qu’il ne songea à sa propre fatigue; tellement il s’était perdu dans la joie de louer son Dieu.
«La fonction des bienheureux dans le ciel, disait-il dans un sermon – celui du XIIe dimanche après la Pentecôte – est de n’être occupés qu’à bénir le bon Dieu dans toutes ses perfections; ce que nous devons faire tout de même pendant que nous sommes sur la terre; les saints en triomphant et en jouissant, et nous en combattant.»
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Les saints, les «bons saints», comme il se plaisait à les appeler, l’aidaient encore à penser à Dieu. Il avait peuplé son église, sa chambre, de leur statues ou de leurs images. La nuit, quand il ne dormait pas, il laissait allumée sa chandelle, et de son lit «il avait du plaisir à les regarder».
D’ailleurs, chaque soir, avant de se coucher, il rouvrait sa grosse Vie des saints – les deux in-folio sont toujours là, sous la reliure fauve tant de fois touchée par les mains vénérables. – Il parcourait la biographie du saint dont c’était le lendemain la fête liturgique. Et d’ordinaire, à son catéchisme de onze heures, le Curé d’Ars évoquait un détail de cette biographie, quelque trait édifiant qui l’avait particulièrement frappé.
Des exemples des saints il faisait non seulement l’un de ses sujets favoris de prédication, mais la moëlle même de sa vie. Près d’eux, cet insatiable de l’amour divin apprenait à mieux aimer Dieu. «Toujours plus haut!» lui criaient sans cesse ces intrépides découvreurs des sommets de l’amour.
En son humilité, le Curé d’Ars prenait même parfois leurs exhortations pour des reproches. «Je suis dans la compagnie des saints, expliquait-il un jour à la comtesse des Garets. La nuit, quand je me réveille, il me semble qu’ils me regardent eux aussi et qu’ils me disent: eh quoi, paresseux, tu dors, et nous, nous passions le temps à veiller et à prier Dieu!...»
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C’est bien à suivre de semblables modèles que le grand saint d’Ars en arriva à ces héroïques excès, à ces exploits inimitables de pénitence et d’austérité qui firent de son existence quelque chose de plus céleste que terrestre. Pourtant son exemple, à lui aussi, demeure. En quoi donc nous sera-t-il profitable?
En ceci: il nous donne la clef de la vraie vie intérieure. Par une pente naturelle de son âme, saint Jean-Marie Vianney tend à Dieu; il va à Dieu sans contention comme sans mièvrerie. Deux personnes d’éducation et de situation bien différentes ont caractérisé judicieusement la piété de notre saint. «Chez lui point de oh, point de ah», disait Marthe Miard, une humble marchande qui habitait près de l’église d’Ars. «Point de poses affectées, point de soupirs ni d’élancements», remarquait de son côté la baronne de Belvey, qui vint à Ars chaque année de 1830 à 1859.
C’est qu’il n’est pas nécessaire, pour jouir d’une présence aimée, de signaler qu’on y trouve jouissance. Un enfant, même s’il garde le silence, se plaît à travailler près de sa mère. Ainsi en fut-il du Curé d’Ars parmi ses épuisants labeurs. Ainsi en est-il de toute âme chrétienne qui, retenue par son emploi, sa profession, ses devoirs de famille ou de société, élève de temps en temps vers Dieu le regard de son cœur...
Du reste «faire ce que doit», n’est-ce pas la meilleure façon de plaire à Dieu, et donc de lui prouver qu’on l’aime? Accomplir notre devoir parce qu’il est pour nous l’expression actuelle et concrète des divins vouloirs, c’est demeurer en la présence de Dieu, c’est être uni à Dieu, pourvu que l’âme soit vigilante et s’applique à faire toutes choses par amour et dans une adhésion habituelle au bon plaisir divin ainsi manifesté dans les moindres occasions. Sans doute cette union tant désirable s’opère-t-elle alors par un autre moyen que la prière et la méditation. Mais qu’importe, si l’union est obtenue!... L’adage bien connu: travailler, c’est prier, se réalise ainsi dans sa plénitude.
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L’entendant de la sorte, le très judicieux Curé d’Ars, s’il demandait que la piété ne fût pas sacrifiée au travail, exigeait aussi que le travail, devoir d’état, ne fût point délaissé sous prétexte de dévotion. «M. le Curé, atteste Catherine Lassagne, ne voulait pas qu’une mère de famille négligeât le soin de sa maison, pour venir à l’église lorsqu’elle n’y était pas obligée.»
Une plume anonyme a recueilli ces paroles que le saint prononça dans l’un de ses catéchismes: «On entend mal la religion. Tenez, mes enfants, voici, par exemple, une personne qui devra aller à sa journée. Elle a la pensée de faire de grandes pénitences, de passer la moitié de la nuit en prière; si elle est instruite, elle se dira: “Non, il ne faut pas faire cela parce que je ne pourrai pas remplir mon devoir demain: j’aurai sommeil, et la moindre chose m’impatientera; je serai ennuyée toute la journée; je ne ferai pas moitié tant d’ouvrage que si j’avais reposé la nuit”... »
En somme, ce que M. Vianney veut ici, c’est que, sous prétexte de rechercher Dieu, on ne se recherche point soi-même: avoir une dévotion, et partant une vie intérieure, mal entendue et piètrement organisée, qu’est-ce autre chose que d’opposer pour ainsi dire Dieu au devoir: le prier par exemple dans la paix d’une église à l’heure où l’on devrait travailler au dehors?... C’est pourquoi le saint d’Ars disait encore: «Une personne instruite a toujours deux guides: le conseil et l’obéissance.»
A moins qu’il n’y vît une grâce particulière accordée à quelques âmes privilégiées, il n’aimait pas non plus qu’on introduisît dans la vie spirituelle certaines nouveautés dont l’Église n’a pas le contrôle. Les dévotions traditionnelles, les exercices de piété consacrés par le temps et l’expérience des saints, voilà ce qu’il conseillait d’abord. Avant tout, il recommandait la prière liturgique.
Quant aux dévotions privées, il ne défendait pas – au contraire – que l’on suivît son attrait personnel. Lui-même n’adressait-il pas un culte très fervent à cette vierge martyre de l’âge apostolique de laquelle il affirmait recevoir une aide si constante et qu’il appelait avec une touchante affection sa chère petite sainte? La dévotion à sainte Philomène n’a pas eu de plus zélé propagateur que notre Curé d’Ars.
En résumé, tout en vouant au salut des âmes tous ses instants et toutes ses forces, saint Jean-Marie Vianney ne cessa de travailler pour Dieu et de lui rester uni. Sa grande croix cependant, ce fut de songer, sans y pouvoir vivre jamais, à une solitude où son occupation eût été de prier et de prier encore. Mais, comme l’événement l’a démontré, sa vocation vraie était de mêler, dans la mesure où des circonstances providentielles l’y obligèrent, la vie de l’apôtre à la vie de l’ascète et du contemplatif.
FRANCIS TROCHU
1 Mgr H. CONVERT, Le saint Curé d’Ars et les dons du Saint-Esprit, Lyon, Vitte, p. 403.
2 Ces lignes étaient écrites quand a paru, en réimpression, un livre de M. le chanoine Louis Alloing, directeur de la Semaine Religieuse de Belley, qui correspond bien à l’idée qu’on peut se faire d’une oraison à l’usage des gens très occupés. Le livre est intitulé: Petites méditations suivant la méthode de l’Union à Dieu (250 pages, Tours, Mame). Voici en quels termes la Semaine Religieuse (n° du 21 avril 1927, sous la signature L. J.), présente au public l’ouvrage de son directeur:
«Le plus grand nombre des livres de méditations sont plutôt des livres de lecture spirituelle.
L’idéal pour les gens du monde et même pour les prêtres en notre temps de vie fiévreuse serait quelques pensées exprimées clairement, brièvement et cependant avec onction.
La librairie Marne vient d’éditer un petit livre qui semble répondre à cet idéal... Laissons l’auteur, M. le chanoine Alloing, présenter lui-même son livre, en citant quelques passages de son avant-propos:
A toutes les âmes avides de perfection, éprises d’amour de Dieu, mais jetées par les nécessités de la vie dans les occupations extérieures, je dédie ces pages. Elles leur apprendront à sanctifier leurs actions ordinaires et à transformer leur vie tout entière en un exercice de piété.
Ces méditations sont à la fois courtes et pratiques.
Courtes. Elles ne prendront guère que cinq minutes après la prière du matin et seront suffisantes cependant pour orienter le cœur vers Dieu, le reste de la journée. C’est là, en effet, le point important dans la vie spirituelle. Notre vie doit être toute d’union avec Dieu, à qui il faut offrir par amour nos prières, nos actions et nos souffrances. Elle devient ainsi une oraison continuelle.
Pratiques. Tout y est dirigé vers cet unique but: l’union à Dieu durant la journée...»
Voici l’histoire d’un petit berger devenu un grand pape.
Dans la ville de Bosco, située dans le diocèse de Tortona, au nord de l’Italie, naît le15 janvier 1504 Antoine Ghislieri. Sa famille noble et très ancienne, a été ruinée par la guerre. Chez les Ghislieri, on vit donc pauvrement. Antoine est berger. Tout petit, il est déjà attiré par les choses de Dieu
.Un jour où il garde son troupeau, il aperçoit deux dominicains qui cheminaient de paroisse en paroisse pour prêcher l’Evangile. Il se met à courir au devant d’eux pour leur parler. Les deux religieux sont autant frappés par l’intelligence de l’enfant que par sa maturité. Nul doute que Dieu l’a mis sur leur chemin pour qu’ils aient soin de lui. Ils proposent donc à l’enfant de les suivre pour faire les études qui lui permettraient de prendre l’habit des Frères prêcheurs. Antoine bondit de joie à cette idée. Il se rend à toute vitesse chez ses parents pour les supplier de le laisser partir avec les deux dominicains, ce qu’ils acceptent volontiers. Après avoir reçu leur bénédiction, voici donc l’enfant en chemin pour sa nouvelle vie.
Un religieux de 14 ans
Au monastère, le postulant fait l’unanimité. Sa gentillesse est si grande et si vive son intelligence ! Sa nature assez colérique et son caractère facilement impressionnable sont compensés par une charité exemplaire. Il a aussi une tendre dévotion pour la Sainte Vierge qu’il sait honorer par mille petites attentions. L’enfant accepte la dure vie monastique et reçoit docilement l’enseignement de ses maîtres. Il est adopté par toute la communauté qui décide de lui donner l’habit des dominicains et le nom de frère Michel Alexandrin (Bosco était en effet proche d’Alexandrie en Piémont).
Le novice débute ses études scolastiques à Vigevano, où il prononce ses vœux solennels en 1519,- à 15 ans ! - puis il est envoyé à Bologne, berceau du fondateur de l’Ordre, réputé pour la solidité de la formation dispensée. Les progrès de frère Michel Alexandrin en théologie sont si rapides qu’il est bientôt capable d’enseigner à son tour. Il connaît certainement l’ivresse que donne le plaisir intellectuel, car le jeune professeur met en garde ses élèves : « il faut toujours assaisonner la science avec le sel de la piété ! » Lui-même donne autant l’exemple par son assiduité aux exercices de la communauté et le temps qu’il passe en oraison devant le tabernacle, que par son zèle à l’étude. Pour lui « la liturgie et l’étude sont les deux mamelles fournissant le lait spirituel sans lequel l’âme reste stérile ».
Lorsqu’il atteint 24 ans révolus, ses supérieurs jugent qu’il est suffisamment préparé pour devenir prêtre. Le jeune frère, lui, s’en trouve pourtant bien indigne. Michel Alexandrin est donc ordonné prêtre et célèbre sa première messe à Bosco, berceau de sa famille. Sa ville natale est alors dans une grande désolation : la contrée vient d’être dévastée par les armées françaises de François 1er marchant sur Pavie, et le jeune prêtre s’emploie à réconforter ses compatriotes.
Il retourne ensuite à Bologne où il reprend l’enseignement de la théologie, puis durant seize ans, il sera successivement le prieur des monastères de Vigevano, de Soncino et d’Alba. Il y laisse le souvenir d’un supérieur juste, plein d’affection pour ses frères qu’il soigne comme aurait fait une maman, tout en réclamant d’eux une stricte pratique de l’obéissance. Exigeant pour ses frères, il l’est aussi pour lui même.
Inquisiteur en Lombardie
Tandis que les armées françaises ravagent la Lombardie, les protestants de Suisse, disciples de Calvin, en profitent pour introduire en fraude de mauvais livres, ce qui constitue un réel danger pour le peuple, curieux de ces écrits qui ont l’attrait de la nouveauté et de la contestation.
Cette grave affaire préoccupe beaucoup le pape. Après en avoir mûrement délibéré, le Saint-Office romain décide de nommer le père Michel Alexandrin Inquisiteur, car sa rigueur théologique lui permettra facilement de démontrer la fausseté des livres hérétiques. Le voici donc envoyé à Côme dans le nord de l’Italie. A peine nommé en 1545, il part visiter le territoire qu’on lui a désigné. Là, au lieu de rechercher ses aises, comme le voudrait sa nouvelle et importante fonction, il va à pied, préférant l’inconfort d’une mauvaise paillasse à un bon lit et s’imposant de mortifiantes privations. En chemin, il égrène son rosaire ou récite à haute voix des prières. Autant de manières de sanctifier sa mission et de montrer l’exemple.
Or il advient qu’à Côme, un marchand a convenu avec les Protestants genevois de l’envoi d’un grand nombre de livres de propagande calviniste qu’il pourra vendre à bon prix en faisant de gros bénéfices. Le bonhomme trouve moyen de corrompre tous chanoines du Chapitre pour qu’ils ferment les yeux sur son trafic. Lorsque le Père inquisiteur apprend l’affaire, il décide d’excommunier tous les responsables de ce mauvais commerce, à commencer par tous les chanoines. Mais ces derniers ne se démontent pas. Ils font courir dans la ville toutes sortes de bruits pour monter le peuple contre l’inquisiteur. Le chanoine le plus compromis a même l’audace de porter plainte auprès du gouverneur de Milan, en lui présentant les choses à sa manière, c’est à dire en cachant le trafic de livres et en imputant toute la responsabilité des troubles à l’intransigeance du père Michel Alexandrin. Le mauvais prêtre est beau parleur et le gouverneur se laisse convaincre. Il convoque l’inquisiteur pour le remettre à sa place de manière outrageante.
Devant cette infamie, il en va de l’honneur de l’Eglise. Ghislieri part sur le champ à Rome pour retracer ce qui s’est passé. Il arrive le 24 décembre 1550. Lorsqu’il frappe à la porte du couvent de son ordre, le prieur le prend pour un de ces ambitieux venu mendier des faveurs à la cour du pape : « Que venez vous chercher ici, mon père ? Venez vous voir si le collège des cardinaux est disposé à vous faire pape ? » dit-il, railleur, et bien loin d’imaginer que ce celui dont il se moquait monterait bientôt sur le trône de saint Pierre ! Qu’importe, l’inquisiteur peut s’expliquer auprès de la Curie qui approuve entièrement sa conduite. Les réclamations injustes des chanoines de Côme sont rejetées, pour leur plus grande confusion.
Ardent défenseur de la foi, le père Michel Alexandrin déploie tout son zèle de prédicateur pour ramener des âmes à Dieu. Nombreux sont ceux qui se convertissent, comme Sixte de Sienne. Ce juif d’origine avait adopté la foi catholique et était entré chez les franciscains, puis il avait tout renié et avait été condamné comme relaps. Avec humilité et douceur, le père inquisiteur lui avait expliqué ses erreurs et était parvenu à le faire revenir à l’Evangile. Sixte entra chez les dominicain et vécut jusqu’à sa mort comme un frère exemplaire de l’ordre.
Evêque et bientôt cardinal
Pendant son séjour à Rome, le père Michel Alexandrin s’est lié d’amitié avec le cardinal Carafa, préfet de la congrégation du Saint-Office. Celui-ci est émerveillé par les qualités d’âme du dominicain. Nul doute que la Providence a choisi ce missionnaire ardent et généreux pour lutter contre l’hérésie protestante qui ne cesse de gagner du terrain. Au lieu de le laisser retourner en Lombardie, Carafa appelle le père Michel Alexandrin qui a 47 ans comme commissaire général du Saint-Office. En 1555 Carafa, élu pape sous le nom de Paul IV, confirme le père Michel Alexandrin dans sa commission au Saint-Office et le nomme évêque de deux diocèses importants situés près de Rome. Le dominicain de 51 ans, ne veut accepter un tel honneur. Il supplie le pape de le laisser mourir sous l’habit de moine, mais celui-ci le rappelle à l’obéissance et le consacre évêque. Le pape lui avait dit : « je vous attacherai au pied une chaîne si forte qu’après ma mort même vous ne pourrez plus songer au cloître ». Cette chaîne est le cardinalat auquel Ghislieri est promu le 15 mars 1557. Quelques mois après, le 14 décembre 1558, Paul IV l’institue à 54 ans Grand Inquisiteur souverain de la Chrétienté (et nul ne portera ce titre après lui).
Les exigences sociales liées à toutes ces charges répugnent à son austérité de dominicain. Le cardinal Ghislieri ne tolère que ce qui est strictement nécessaire à l’étiquette et vit de manière austère. Son palais ressemble à un couvent. Il engage des domestiques disposés à accepter ce mode de vie ascétique, mais les traite avec une délicatesse impensable pour l’époque. Matin et soir, il préside à leur prière, et lorsque l’un d’eux tombe malade, il le fait porter dans une des plus belles pièces du palais pour le soigner comme un prince. Et il ne manque pas, malgré ses nombreuses occupations, de lui rendre visite plusieurs fois dans la journée !
A la mort de Paul IV, est élu l’oncle de Charles Borromée, le pape Pie IV qui pratique le népotisme. Le cardinal grand inquisiteur ne mâche pas ses mots pour le lui reprocher. Ce qui provoque grande colère du pape qui, pour le disgracier, le nomme évêque de Mondovi, petite ville du Piémont. L’inquisiteur obéit, mais il tombe gravement malade. Au moment où son état s’améliore, il apprend la mort de Pie IV (9 décembre 1565) et doit donc retourner à Rome pour l’élection du nouveau pape.
Elu pape
Comme aucune unanimité ne parvenait à se faire sur les noms proposés, le cardinal Charles Borromée proposa celui du grand inquisiteur qui emporta l’élection. A l’annonce de cette décision, le cardinal Ghislieri décida de prendre le nom de Pie V pour bien marquer qu’il oubliait le passé.
Mais quelle sera la réaction du peuple de Rome ? Le cardinal est connu pour sa sévérité. Le nouveau pape met une telle ardeur à faire cesser tous les abus en particulier l’ivrognerie et l’immoralité, qu’il n’est pas très populaire. Il est pourtant attentif aux réclamations des romains. Il met en chantier de grands travaux pour amener l’eau potable en ville et améliorer leur existence. Dans les couvents il s’emploie à restaurer la règle. Il lutte sans trêve contre l’immoralité et l’ignorance des prêtres. Certains ne se confessent jamais. Ils s’en croient dispensés parce qu’ils ont pouvoir de confesser et vivent en état de péché mortel. D’autres sont incapables de dire correctement la messe. Le clergé est dans un bien triste état !
Pour l’intérêt de l’Eglise
Or ce qui est le plus important pour lutter contre l’hérésie protestante est d’avoir de bons et saints prêtres ayant une solide formation. Il établit donc des séminaires et favorise la diffusion des écrits du Docteur angélique, saint Thomas d’Aquin, dont il finance la publication des œuvres. Nulle meilleure arme pour combattre les erreurs du temps que la Somme théologique ! Mais la formation intellectuelle ne suffit pas. Pour que l’Eglise retrouve son beau visage, il faut que ses ministres montrent l’exemple dans la conduite de leur vie et dans leurs mœurs. Pie V est un défenseur absolu des réformes décrétées par le concile de Trente.
Pie V qui avait constaté l’état lamentable du culte divin, engage une grande réforme liturgique qui va aider au renouveau de l’Eglise. Une bulle de 1568 réforme le bréviaire romain, et l’applique à toute la chrétienté. Puis une bulle de 1570, impose l’usage du missel romain aux églises d’Occident dont la tradition liturgique a moins de 200 ans d’existence (c’est pourquoi on parlera de la « messe de saint Pie V »). Pour lutter contre les hérésies, Pie V réforme les services de la Curie (1569), crée la congrégation des évêques et celle de l’Index (1571). Enfin, il ravive le recours à la miséricorde de l’Eglise par les indulgences.
La victoire de Lépante contre les Turcs
Un autre danger menace la chrétienté occidentale : les princes se jalousent et s’opposent entre eux. Certains sont devenus protestants. Les Turcs profitent des oppositions qui divisent l’Europe pour étendre leur domination. En 1566 L’empereur Maximilien II tente de reprendre la Hongrie mais échoue, tandis que le Sultan Soliman II cherchant à s’emparer de l’île de Malte achoppe devant la résistance des chevaliers. Sélim II son successeur, conquiert l’île de Chypre en 1570 dont il décime la population. Il faut à tout prix bloquer l’avance musulmane et le pape écrit aux princes chrétiens pour qu’ils fassent alliance. Seuls répondent Venise et l’Espagne. Le pape suscite un grand élan de prière dans toute la chrétienté et mobilise les confréries du Rosaire.
Les 200 galères de l’armée catholique arrivent le 7 octobre 1571 dans le golfe de Lépante en vue des 300 galères turques. La bataille est terrible. Ordre est donné de libérer les galériens de la ligue chrétienne. Ils renforcent l’assaut des soldats et se battent comme des lions. Quand les turcs font de même, leurs rameurs, en majorité des chrétiens, se retournent contre eux. Trente mille turcs périssent. La marine chrétienne qui a perdu huit mille hommes a stoppé l’expansion musulmane. Pour rendre grâces de cette magnifique victoire, le pape qui, dans le jeûne et la prière, avait confié le sort du monde chrétien à Notre Dame, institue au jour anniversaire de cette belle victoire une fête en son honneur : Notre Dame de la Victoire, aujourd’hui Notre-Dame du Saint Rosaire.
Mais le pape, rongé par la maladie de la pierre, tombe bien malade au début de l’an 1572. Le mal, qu’il supporte avec patience s’aggrave et finalement l’emporte le 1er mai. Cent ans jour pour jour après sa mort, Pie V est béatifié, 69 miracles figurent à son procès de canonisation. Il est canonisé par Clément XI le 22 mai 1712.
Catherine Bousquet
Article publié dans la revue TRANSMETTRE, n°60 daté d'avril 2004
diffusé ici avec l'aimable autorisation de M. Denis SUREAU, directeur de la publication
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Luigi Beltrame Quattrocchi est né à Catane le 12 janvier 1880 et il arrive à Rome en 1890. C'est là qu'il rencontra et épousa Maria Corsini, le 25 novembre 1905, en la basilique Sainte-Marie-Majeure. Ils se sont connus par l'intermédiaire d'amis communs.
Ils eurent deux fils et deux filles. Les fils sont prêtres, l'un prêtre diocésain et l'autre trappiste. Les filles sont consacrées, l'une consacrée laïque, et l'autre bénédictine.
Diplômé en droit à l'université romaine La Sapienza, Luigi Quattrocchi a suivi une carrière d'avocat auprès de différents ministères italiens. Il était engagé dans l'apostolat catholique et se distinguait par une vie chrétienne exemplaire. Il s'est éteint à Rome, le 19 novembre 1951.
Maria Corsini était née à Florence le 24 juin 1884 et était arrivée à Rome en 1893. Elle partageait les engagements apostoliques de Luigi. En 1914, à la suite du tremblement de terre d'Avezzano, elle s'est dévouée au secours des blessés. Devenue tertiaire franciscaine, elle était catéchiste, et fit partie du Conseil central de l'Action catholique féminine, et adhéra aussi à d'autres mouvements. Elle est aussi l'auteur de différents ouvrages de spiritualité. Elle s'est éteinte à Serravalle (région de Bibbiena), au cours de ses vacances, en 1965.
Pour la première fois dans l'histoire, Jean-Paul II a béatifié fin octobre dernier un couple. C'est ainsi une manière de dire à l'Eglise du troisième millénaire que la sainteté n'est pas le "monopole" des religieux.
Maria et Luigi ont donc eu quatre enfants:
Filippo (aujourd'hui le père Tarcisio), né en 1906;
Stefania (soeur Maria Cecilia), née en 1908 et décédée en 1993;
Cesare (aujourd'hui le père Paolino), né en 1909;
Enrichetta, née en 1914.
Filippo; Stefania et Enrichetta ont d'ailleurs tous les trois assisté à la cérémonie de béatification de leurs parents.
Maria fait de son foyer un lieu chaleureux, où sont accueillis famille et amis.
Avec Luigi, elle se rend chaque jour à la messe.
Maria écrit à ce sujet : "La journée commençait ainsi : messe et communion, ensemble. Sortis de l'église, il me disait "bonjour", comme si la journée ne commençait que maintenant. On achetait le journal, puis on montait à la maison. Lui à son travail, moi à mes occupations. Chacun pour son propre compte, mais en gardant la présence de l'autre incessamment en nous."
Elle dit plus loin : "Le dîner, quelques passages de livres plaisants, puis le chapelet. Vie sereine, intellectuelle, intéressante, intime et reposante. Jamais futile, jamais triste et pessimiste. Vie vécue dans le sens plein de la parole. Non survolée, mais animée de la joie de la conquête qu'il portait en lui chaque minute, avec la joie d'être ensemble, toujours nouvelle."
Maria et Luigi élèvent ainsi avec Foi leurs enfants, soutenus par le Père franciscain Pellegrino Paoli, qui deviendra leur Père spirituel et celui de toute la famille.
En 1913, lorsque Maria est enceinte de leur quatrième enfant, Enrichetta, les médecins lui annoncent qu'elle ne survivra pas si elle garde cet enfant, qui n'a aucune chance de vivre selon eux.
Mais elle décide de se confier à la Providence. Et la naissance se passera bien, après une grossesse malgré tout difficile.
Parallèlement, Luigi s'engage avec Maria dans différents mouvements catholiques italiens. Il appuie ouvertement le Parti populaire naissant. En semble, ils fondent des mouvements de jeunes dans les quartiers défavorisés de Rome. Durant la guerre d'Ethiopie puis la 2ème guerre mondiale, Maria part comme infirmière volontaire de la Croix-Rouge.
Le cardinal Martins, préfet de ma Congrégation pour la cause des saints, a déclaré à leur sujet dans l'Osservatore Romano (10 oct. 2001) que leur "vie constitue une sorte d'évangile familial. Ils ont su vivre saintement leur devoir d'époux, de père et de mère dans un intense et vivifiant rapport entre la Foi et le sacrement du mariage ainsi que dans une parfaite communion de vue, de sentiment et de cœur."
Le père Paolino Rossi, qui a présenté à la Congrégation vaticane pour les Causes des Saints la documentation qui a permis de prouver l'héroicité des vertus des époux, poursuit en disant qu'"il s'agissait d'un couple extrêmement équilibré qui a su joindre une grande attention aux enfants - même lorsque les trois aînés sont entrés dans les ordres. Luigi et Maria sont restés très proches d'eux - à une activité professionnelle et à des apostolats extérieurs, le tout porté par une intense vie de prière. Ils ont su porter l'Evangile au quotidien, de manière cohérente et concrète".
Le père Rossi a expliqué que la Congrégation a approuvé un seul miracle pour les deux serviteurs de Dieu. Il s'agit de la guérison de Gilberto Grossi, qui est aujourd'hui neurochirurgien.
Le postulateur explique que c'est grâce à l'intercession des deux conjoints qu'il a obtenu de Dieu la guérison d'altérations osseuses, qui l'obligeaient souvent à rester immobile. Il a été guéri d'une grave arthrite liée à une inflammation intestinale progressive et provoquant des ulcères cutanés.
Ayant fait la connaissance d'un fils de Luigi et Maria, et après avoir pris connaissance de leur spiritualité et de leur sainteté, il s'était confié à leur commune protection. Il fut guéri alors qu'il travaillait dans la maison de la famille Beltrame Quattrocchi. Il avait été chargé de classer les écrits des époux.
Sa guérison a été reconnue le 21 mai 2001 par la commission des médecins de la Congrégation pour la cause des saints comme étant "imprévue, complète, durable et inexplicable scientifiquement."
"Reconnaissant leur "intercession commune", on peut dire que les théologiens ont souligné que les époux sont unis non seulement dans la dimension humaine mais aussi spirituelle".
En béatifiant ensemble les époux Luigi Quattrocchi et Maria Corsini, Jean Paul II a fait remarquer :
" Aujourd'hui, nous avons une confirmation singulière que le chemin de la sainteté accompli ensemble, en tant que couple, est possible, est beau, est extraordinairement fécond et est fondamental pour le bien de la famille, de l´Eglise et de la société".
"Ils ont vécu, a dit encore Jean Paul II, "un engagement particulier sur le chemin de sainteté auquel les époux sont appelés par la force de la grâce sacramentelle ... Ces époux ont vécu, à la lumière de l´Evangile, et avec une grande intensité humaine, l´amour conjugal et le service de la vie. Ils ont assumer avec une pleine responsabilité la tâche de collaborer avec Dieu à la procréation, se dévouant généreusement à leurs enfants pour les éduquer, les guider, les orienter à la découverte de son dessein d'amour ".
" Sur les chemins de la mission, la famille est la première et la plus importante", a dit encore le pape.
Ils l'ont vécu en effet, dans un climat de sérénité, d´hospitalité, d´amitié, et aussi de distractions, de villégiature, de bicyclette! Et la chose la plus extraordinaire est qu´ils ont su se sanctifier et vivre l´ordinaire.
Enfin, lorsque la béatification de Luigi et Maria Beltrame Quattrocchi a été approuvée, un problème s´est posé à la Congrégation pour les Causes des Saints: quel jour l´Eglise allait-elle les fêter? C´était la première fois que deux époux étaient béatifiés ensemble.
En général, la fête des bienheureux correspond au jour de leur mort, le jour de leur union à Dieu. Mais pouvait-on fêter les nouveaux bienheureux à deux dates différentes?
Jean-Paul II a demandé que la fête liturgique des bienheureux Quattrocchi soit fixée au jour anniversaire de leur mariage. Luigi et Maria se sont mariés le 25 novembre 1905. Pour le moment, cette fête n´est observée qu´à Rome, le diocèse des bienheureux, car la béatification a un caractère local. S´ils sont canonisés, leur fête liturgique prendra un caractère universel.
Bernard JOUSTRATE