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28 mai 2023 7 28 /05 /mai /2023 16:58

Non non, soyez rassurés, ce n'est pas le nom d'une nouvelle encyclique ni celui d'une nouvelle bulle papale avec ou sans majuscule. Juste le titre prétentieusement latinisé de mon article.

Il s'adresse plus particulièrement aux prêtres célébrant selon le nouveau missel(*) et aux membres d'équipe d'animation liturgique, notamment celles qui sont en charge de l'organisation des célébrations au coursdes funérailles.

J'échangeais hier dans un cadre on ne peut plus sérieux avec une personne qui me confiait être retombée dans l'alcoolisme il y a 9 mois, après environ quatre années d'abstinence. Il m'a indiqué que cela remontait au décès accidentel de son père. Je lui ai demandé alors s'il voulait bien me faire part des circonstances de son retour à l'addiction. Et là, en quelques mots simples, il me confie que le jour du décès de son père, il a consommé avec sa mère et son courage un petit verre d'anisette, provenant d'une bouteille que son père avait achetée le jour-même. Tous y voyaient un symbole d'union avec le défunt. Plusieurs jours passent et notre homme ne ressent pas le besoin irrépressible de se ré alcooliser, même de façon mesurée.
Vient le jour des obsèques. "Je devais lire un petit texte en hommage à mon père au cours de la messe, et j'étais pétrifié d'angoisse et de stress." Avant la messe, arrivé un peu à l'avance à l'église avec sa mère, petit détour au bistrot en face de l'église. Un café. Puis une bière. "Pour me donner du courage, j'étais vraiment stressé de devoir parler comme ça devant ma famille." Suivra une petite verveine bien fraiche. Notre homme est fin prêt pour sa lecture. Sa vie vient de basculer à nouveau. Depuis lors, il lutte contre cette addiction qui est revenue au triple galop.

A ce stade, je précise qu'en me racontant cela il ne sait rien de mes convictions religieuses. De la même façon, il parle sans acrimonie. Il parle. Il raconte ce qu'il a vécu. Froidement et sans haine ni ressentiment. C'est le but de l'exercice.

Et là, j'avoue, je ne peux m'empêcher de lâcher un "Quelle merveilleuse innovation de l'Eglise que ces discours au cours des messes de funérailles, hein ?" J'ai bien perçu que sur le coup il n'a pas vraiment compris ce que je lui disais. Mais c'est un fait. En transformant la cérémonie des obsèques en célébration d'hommage ou de dernier salut au défunt, on fait ainsi basculer les fidèles - a fortiori non pratiquants réguliers - dans le registre des émotions. Une déstabilisation qui peut s'avérer fatale pour beaucoup. Car pour de nombreuses personnes sujettes à une addiction, il s'agit bien d'un combat permanent pour gérer ses émotions. On ne saura jamais si notre homme aurait ou non un jour basculé à nouveau dans l'alcoolisme. En revanche, en l'espèce, ce qui est certain, c'est que c'est précisément cet événement, cette lecture d'un témoignage en pleine église, qui a causé son retour à l'alcoolisme. Il était important qu'il le sache pour qu'il le comprenne bien et s'en serve de point d'appui pour la suite de ses démarches personnelles. Et je ne me suis pas privé de le lui en faire prendre conscience.

Alors, bien sûr, on nous explique avec des trémolos dans la voix que Vatican II fut une grande bouffée d'oxygène, une fenêtre qui s'ouvrait enfin sur le monde, renouvelant l'air putride qui régnait jusqu'alors au sein des églises catholiques. Bien sûr, bien sûr. Mais ce néo-catholicisme, une religion qui fait ainsi appel au sensible et non plus aux seuls sens, a aussi pu en bien des circonstances créer des malaises comme celui traversé par notre témoin. Que dire dans le même registre de l'idée débilissime de faire défiler tous les petits-enfants ou petits neveux et nièces d'un défunt pour venir déposer un putain de lumignon sur son cercueil, "symbole de la flamme de notre amour qui ne s'éteindra jamais gnagnagna gnagnagna".... Cela vous fait quoi, Messieurs les abbés, Mesdames et Messieurs les grands géniaux organisateurs de ces mascarades, de voir chialer ces enfants les uns derrière les autres (parce que bien sûr, c'est un peu un jeu de dominos, cette affaire. Il en suffit d'un qui pleure pour que d'autres soient emportés par l'émotion. Et parmi les autres, il y en aura bien quelques uns qui auront à coeur de retenir leurs larmes, les gardant alors pour eux, quitte à devoir gérer cela tout seul) ? Vous trouvez cela super ? Vous trouvez cela digne et libérateur ? Sans blague. Vous ne faites que créer un contexte artificiel qui n'a pas lieu d'être. Pensez-y donc la prochaine fois. Et dites-vous bien que vous êtes les seuls et uniques responsables de la bascule dans l'émotion de ces enfants. Dites-vous aussi que parmi les adultes que vous invitez à témoigner, il est probable, il est possible, que certains se soient "donnés du courage" avant de venir à l'office pour chialer ainsi en public dans le micro. Oui, s'il vous plait, pensez-y.

Et s'ils vous le demandent d'eux-mêmes, dites-leur qu'ils pourront éventuellement le faire au cimetière, ou au retour à la maison, en plus petit comité.

Vous éviterez ainsi à certains d'en chier pendant des mois et des années ensuite. Merci pour eux.

XA

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(*) On l'aura compris, les situations décrites ci-dessus ne se présentent pas dans les offices célébrés selon la liturgie traditionnelle.

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